Lundi 12/01/2009, le CCE s’est réuni une dernière fois sur le sujet de la restructuration de l’entreprise Manpower dite de « Refondation ».

Des risques économiques et des psycho-sociaux très importants portés par le projet de restructuration « Refondation »

Après avoir travaillé sur une DO à la sollicitation d’un CHSCT, le cabinet sollicité a rendu les conclusions de son médecin ergonome en janvier 2009 sur ce projet de restructuration et d’industrialisation drastique, qui pour mémoire englobe :

  • la restructuration du réseau d’agences, avec notamment la fermeture de nombreuses agences ;
  • la réduction drastique des effectifs salariés du réseau ;
  • la refonte complète de l’organisation du travail et du référentiel métier ;
  • la refonte complète du système de rémunération variable, sur la base d’une dissociation entre la richesse produite et le versement de prime, au profit d’une logique d’évaluation par rapport à des attentes sur la performance économique prévue et la réussite d’objectifs attribués individuellement.
    (Voir à ce sujet notre article antérieur sur les chiffres de la restructuration.)
  • Cette étude, communiquée postérieurement à l’avis du CCE, relève l’impact positif de l’attitude des salariés entre eux :
  • grande implication,
  • solidarité entre collègues,
  • collectif de travail,
  • conscience professionnelle,
  • capacité d’adaptation.
  • Par contre, la réflexion du médecin relève l’impact négatif des moyens et de l’organisation relevant de la direction d’entreprise :
  • pas d’espace individuel,
  • instabilité et incertitude récurrentes des repères et des règles de rémunération,
  • information à la fois surabondante et lacunaire.

(Malgré la tournée en régions de décembre 2008 de Mme le Président de l’entreprise pour rencontrer les responsables d’agence, voir au sujet de ces deux derniers points notre article précédent sur la difficulté de la direction à dire et à expliciter son projet.)

  • Face à ce constat, le médecin préconise :
  • la réintroduction des valeurs humaines à tous les niveaux du projet de réorganisation, largement absentes à ce jour :
    • écrire le changement et faire ce que l’on dit,
    • fixer des objectifs atteignables,
    • donner les moyens nécessaires,
    • aborder la mobilité en prenant en compte ses conséquences familiales et personnelles,
    • apporter les réponses aux questions des salariés ;
  • l’évaluation des risques professionnel, en particulier psycho-sociaux sur le climat psychologique et les manifestations pathologiques liées au travail : cette obligation légale n’est effectivement pas réalisée à ce jour ;
  • l’organisation d’un accompagnement individuel et personnalisé des salariés.
  • L’expertise relève certaines manifestations préoccupantes de ces travers et insuffisances de la politique du changement de la direction, sur les atteintes aux salariés qu’ils provoquent :
  • débordements émotionnels,
  • sensation d’improvisation et d’amateurisme de l’entreprise,
  • perte d’identité des salariés vis-à-vis de l’entreprise,
  • mise en place de stratégies individuelles de sauvegarde, de désinvestissement.

En particulier, la CFTC relève que ces impacts délétères sapent les points forts relevant de l’attitude des salariés eux-mêmes, que l’étude du médecin relève et qui protègent encore l’intégrité psychosociale des salariés et de l’organisation.

Des résultats économiques 2008 très favorables malgré la crise, et une rentabilité prévue à la hausse en 2009 grâce au plan de réduction des effectifs salariés permanent

Même sans aucun plan d’économie, aucune grande entreprise de travail temporaire ne risque un résultat négatif malgré la crise :

  • aucun stock : contrairement aux sociétés de service, les intérimaires ne perçoivent un salaire que lorsque l’entreprise de travail temporaire a une mission à vendre à un client ; les intérimaires sans nouvelle mission pointent donc directement au chômage, sans même que l’entreprise de travail temporaire n’ait à mettre en place les délais et les coûts d’un plan social ;
  • des frais fixes très faibles : chez Manpower, 5.000 salariés permanents et les locaux agences, à comparer aux près de 120.000 équivalents temps pleins d’intérimaires facturés, plus les revenus de l’activité recrutement CDI et CDD.

Le plan de restructuration Manpower, avec baisse drastique des effectifs de salariés permanents vise donc en fait à maintenir un haut niveau de rentabilité. Dés 2009, malgré une année de crise noire en perspective, la direction escompte dans ses comptes prévisionnels une amélioration de la rentabilité ! Pourtant, après 6 mois de crise dont un trimestre entier de crise noire, l’année 2008 rendra un des meilleurs résultats net attendu parmis les neuf dernières années ! (Rendez-vous les prochains mois lors de la publication des comptes annuels à mi-année.)


Ajout du 10/07/2009 : Voir les excellents résultats 2008 suite à la tenue de l’assemblée générale des actionnaire en juin 2009.


Les élus de plus en plus confrontés à des situations de détresse, et des élus CFTC actifs dans la mise en place de processus préventifs actuellement inexistants

Face aux risques générés par la restructuration dite de « Refondation », la direction refuse pour le moment la remise en question malgré les preuves de son incapacité à gérer ce type de risque. En particulier, de nombreux exemples témoignent des effets dévastateurs sur la santé morale et physique des salariés, générés par l’augmentation des pressions qu’ils subissent. Augmentation de la charge de travail, diminution des effectifs et absence des moyens nécessaires à l’exécution du travail, les exemples sont nombreux.

Parmi les exemples récents les plus significatifs : Au Siège, le CHSCT alerte 2 fois en 1 an sur des conditions de travail désastreuses d’un service ; décembre 2008, la 2nde année, 3e alerte à nouveau à l’initiative des élus CFTC.

Ceux-ci, majoritaires au Siège, ont en effet constaté la défaillance grave de l’employeur et la nécessité que le CHSCT prenne à nouveau le relais :

  1. deux d’entre-eux, membres du CHSCT, ont lancé une enquête immédiate et constaté que le management direct n’a pas la main, que des décisions d’adaptation des postes de travail ont été bloquées au niveau des directions ;
  2. réévoqué en CHSCT, il est constaté que la situation a généré encore 111 jours d’arrêts maladie en 1 an pour 5 personnes du service pourtant exemptes de pathologie particulière ;
  3. le Président du CHSCT, par ailleurs DRH de l’entreprise, ne contrôle manifestement pas la situation : face à plusieurs signes de dépressions constatées (personnes sous traitement, crise de nerf sur lieu de travail, etc), les élus CFTC ont donc pris l’initiative d’élaborer eux-même en urgence un plan d’action ;
  4. enfin, les élus ont saisi les administrations de l’inspection du travail et des services de prévention de la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Ile de France, afin que les mesures concrètes nécessaires soient enfin mise en œuvre et que les conditions de travail soient rétablies à un niveau acceptable.

L’enjeu pour les élus CFTC est de sortir du mode urgence et d’apporter à la DRH, à l’entreprise et à ses salariés, une attention et des outils méthodologiques opérationnels, afin de prévenir et de traiter les situations de souffrance au travail.

Les élus CFTC ont refusé de prendre part au vote de consultation du CCE sur la « Refondation », que le CCE a rendu négatif à l’unanimité

Face à l’importance des risques psycho-sociaux générés par la restructuration en cours dite de « Refondation » et l’absence d’écoute de la direction, les élus CFTC au CCE ont refusé de prendre part au vote de consultation sur la restructuration en contexte contraint. Cette démarche a alors été suivie par plusieurs élus d’autres organisations syndicales. Les élus CFTC ont accompagné leur décision de la déclaration suivante :

Les élus CFTC refusent de participer au vote de consultation sur le projet de Refondation en contexte contraint. Ils constatent que le réseau agences a déjà été restructuré : des dizaines d’agences sont déjà fermées depuis plusieurs semaines, et les salariés mutés.
Par ailleurs, ils constatent :

  1. L’absence de loyauté de la direction vis à vis du CCE, par sa tentative de déstabilisation de l’instance par courriel du 04/12/2008 à l’ensemble des salariés permanents ;
  2. L’absence de retour aux élus du CCE sur les impacts des conditions de travail du projet malgré leur demande motivée par l’ampleur des impacts du projet et les risques psycho-sociaux qu’il porte, non pris en compte par la direction ;
  3. La communication tardive injustifiée et partielle des informations économiques demandées, envoyées ces derniers jours seulement, à la commission économique et à elle seule.

Sur 27 élus votants, seuls 20 ont accepté de participer au vote de consultation, pour porter un avis négatif à 19 voix et une abstention, soit un avis négatif unanime en droit.
L’avis étant rendu, quand bien même négatif, l’entreprise se retrouve alors libre de toute obligation sur le sujet vis à vis des élus.

L’avis du CCE rendu, la direction générale poursuit la restructuration dans le déni des risques de son projet

Dés le lendemain 13/01/2009, malgré le vote négatif à l’unanimité du CCE sur les modalités de la mise en œuvre de la « Refondation », Mme Françoise G., Présidente de Manpower France, annonçait en réunion avec les manageurs au Siège de l’entreprise qu’elle allait pouvoir déployer son projet « avec l’accord » des élus du CCE ! Cette expression n’est pas exactement ce que l’on pourrait qualifier de sincère, et qui permettrait d’augurer que le projet soit en prise avec la réalité et ce que vivent les salariés.

Seule lueur ténue mais dont l’issue est encore totalement inconnue et même si les mutations sont déjà largement effectives et imposées depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois : la direction a accepté d’ouvrir des négociations sur la mobilité deuxième moitié de janvier 2009. (En attendant, voir sur ce sujet notre précédent bulletin d’information n°34 de mars 2008, qui aborde les aspects juridiques de la mobilité.) La négociation sur la Gestion Prévisionnelle de l’emploi et des Compétence (GPEC), qui serait pourtant d’un intérêt manifeste dans la situation actuelle, reste quant à elle encore enlisée depuis février 2008. La direction Manpower, pourtant à la tête d’une entreprise « Créateur de Solutions pour l’Emploi », n’est en effet pas encore parvenu à avancer sur la question. (Voir à ce sujet notre rubrique GPEC).


Voir aussi :