Une Négociation Annuelle sur les Salaires (NAO) 2009 anémique

Suite aux premières réunions de Négociation Annuelle sur les Salaires, une dernière réunion s’est tenue le 01/07/2009 entre les syndicats et la direction, lors de laquelle la direction a annoncé sa position définitive :

  • Augmentation générale : +1,3% uniquement pour les salariés de niveau 2 et 3 au 01/10/2009 ;
  • Enveloppe de 0,6% de la masse salariale consacrée aux promotions ;
  • Mise en place du CESU en fin d’année 2009 à hauteur de 200 € par an payé pour moitié par participation patronale / moitié salariale.
  • Ticket restaurant à 8,30 €, avec une participation patronale 58% / salariale 42%.
  • Par ailleurs, la direction a annoncé la réévaluation de 1 centime de l’indemnité kilométrique pour le remboursement des frais de déplacement.

Des profits et marges de manœuvres considérables malgré la crise, mais aucune inflexion de son modèle financier par la direction de Manpower France

D’aucuns diront les salaires sont bloqués, c’est normal car la direction assume une gestion responsable face au contexte de crise économique qui ampute actuellement de plus du 1/3 l’activité et le chiffre d’affaire de Manpower France.

Et pourtant :

  • L’augmentation générale des salaires 2009 représente de l’ordre de quelques dizaines de milliers d’euros bruts mensuels seulement. Par comparaison, il faudra de 20 à 25 ans pour que cette décision atteigne le même impact financier que la majoration de condamnation de près de 10.000.000 € par rapport au reste de la profession, payé cette année par Manpower France pour fraude à la concurrence. Ce surplus est imputable à la légèreté dont à fait preuve la direction actuelle de l’entreprise dans la gestion du dossier. Pour rappel, ce sont en tout 40.000.000 € d’amende qui ont été payés cette année sur ce dossier par Manpower, et qui gonfleraient d’autant les résultats de l’entreprise. (Voir à ce sujet notre article précédent sur ce dossier de fraude à la concurrence.)
  • Après plusieurs mois de crise économique, Manpower France a tout de même réalisé plus de 110.000.000 € de profits pour l’ensemble de l’année 2008, qui ont été reportés à nouveau à l’occasion de l’assemblée générale des actionnaires. (Voir à ce sujet un de nos articles précédents sur les raisons du maintien de la solidité financière de notre secteur d’activité malgré la crise.)
  • Le résultat net 2009 s’annonce au moins à plus qu’une dizaine de milliers d’euros malgré l’amende ci-avant évoquée, suite au plan d’économie drastique opéré sur les effectifs et les baux d’agences.(Voir à ce sujet notre article précédent sur la restructuration en cours.)
  • En toute solidité financière, Manpower France conserve plus de 480.000.000 € de trésorerie.
  • Suite au débat initié en 2006 en plein plan social par la CFTC, consécutif à son intervention auprès du Procureur de la République relativement à la mise en place encore en contestée d’une coûteuse redevance de marque de plusieurs dizaines de millions d’euros annuels au profit du groupe Manpower, les élus du CCE se sont emparé du sujet des relations financières entre Manpower France et le reste du groupe, qui ne permettent pas d’identifier complètement les profits réalisés par l’entreprise, ni l’ensemble des systèmes mis en place pour transférer des bénéfices vers les dirigeants et actionnariat américains au niveau de Manpower Inc. (Voir à ce sujet notre article de 2005 sur la restructuration juridique de l’entreprise.)
  • En plus des plus de 60.000.000 € d’exonérations de cotisations sociales touchées en 2008 par Manpower France (plus de 150.000.000 € en 2007), l’entreprise devrait se tailler une part non négligeable des 425.000.000 € de fonds publics que Pôle Emploi (ex ANPE) va reverser aux sociétés d’intérim et du recrutement en 2 ans, afin qu’elles assurent l’accompagnent des dizaines de milliers de chômeurs dont un grand nombre ne sont autres que des intérimaires en fin de contrat, remis par la force des choses sur le marché du travail, à la charge de la collectivité.

Cette logique financière étroite toujours plus exacerbée, la direction est de moins en moins capable de l’assumer. Mais elle la maintient pourtant, et donc la dissimule sous une intense communication interne et externe. Mieux, cette stratégie vise à capter plus de capitaux publics (voir ci-avant les marchés publics Pôle Emploi) pour continuer d’alimenter les profits financiers du groupe Manpower Inc, en donnant à l’entreprise en France un pseudo-statut d’acteur public de l’emploi, comme si cette logique financière était compatible avec une réelle prise en compte de considérations d’intérêt général. Et de fait, si la direction de Manpower France trouve son intérêt dans la préservation à court terme du maximum de profits financiers, cette logique financière académique ne lui permet pas d’entrer dans des logiques économiques, ni de vouloir s’abstenir de ne considérer le capital humain de l’entreprise autrement que comme une simple variable d’ajustement :


Sous couvert de crise, les salariés sont mis sous pression de manière sans précédent

Les salariés permanents de Manpower France continuent à subir une politique sociale régressive, que la direction s’autorise à amplifier sous couvert d’alibi de crise :

  • Certains salaires deviennent indignement bas, tandis que les salariés supportent dans le même temps une inflation moyenne annuelle 2008 de 2,8% [1], dont la hausse des frais de santé consécutive aux déremboursements de sécurité sociale (voir notre évocation des exonérations de cotisations sociales ci-dessus). Par exemple les assistantes d’agence, embauchées à niveau bac+3 ou bac +4, doivent se contenter en moyenne d’un salaire de 1865 € bruts mensuels pour une ancienneté de 9 ans. Parmi les personnels administratifs les moins bien payés de niveau 2, souvent des femmes, certaines ont été obligé de franchir le pas de prendre un second emploi pour pouvoir vivre, à temps partiel le soir ou le week-end après leur travail chez Manpower.
  • Les primes variables se sont effondrées en 2009, désormais calculées non plus sur les résultats réels des bénéfices réalisés par les agences, mais par rapport à des spéculations budgétaires à la démesure des attentes de la direction de l’entreprise.
  • D’année en année, les dates d’augmentation et de versement des primes ont été reculées et la direction a quasiment gagné un an d’augmentation de salaire sur ses salariés.
  • À partir de cette année, la direction à imposé à ses salariés une politique d’intense mobilité qui vise à compenser une partie de la diminution de 15% des effectifs (voir ci-après la politique de l’entreprise de diminution des effectifs), et qui consiste à adresser les salariés au coup par coup dans telle ou telle agence en fonction des besoins.
  • À partir de cette année toujours, la direction tente d’imposer les congés aux salariés en dehors des règles légales. (Voir nos articles précédents concernant les actions de la CFTC pour la défense des droits à congés.)

Une absence de plan social en trompe l’œil

Oui, mais d’aucuns diront encore, comme la direction Manpower à ses salariés, à ses clients et aux pouvoirs publics, que Manpower France, au contraire des autres grands du travail temporaire et du recrutement, suit une « Voie Étroite » et ne procède à aucun plan social ?

Là encore la réalité est plus complexe que les apparences.

Le CCE de Manpower France avait ouvert en 2008 une procédure d’alerte auprès de l’Inspection du Travail pour recours abusif aux CDD, dont l’enquête qui en est résultée a confirmé d’importantes anomalies. Et c’est justement grâce à ce taux de CDD si particulier que la direction est parvenue à ajuster les effectifs permanents de l’entreprise avec une certaine aisance bien que plus drastiquement encore que ses concurrents, sans pourtant assumer le coût et apporter aux salariés concernés les garanties d’aide au reclassement d’un plan de sauvegarde de l’emploi :

Manpower Adecco Védior
Effectif salarié du groupe en France 5000 9000 5000
CDD supprimés [2] 500 550 70
Taux des CDD supprimés dans les effectifs 10% 6% 1%
CDI supprimés 225 600 489
Taux global de suppression d’effectifs 15% 13% 11%

Sources :

Enfin, les salariés sont confrontés depuis début 2009 à une hausse très importante du nombre de licenciements, en particulier pour insuffisance professionnelle. Constatés par les représentants CFTC, la fréquence de ces évènements et la connaissance du fond de plusieurs dossiers individuels ne semble pas laisser de place au hasard, mais plutôt supposer la mise en œuvre d’une politique systématique et odieuse.

Et puis encore, sans doute faudrait-il évoquer de nombreux autres sujets tel que l’éthique de gouvernance, l’égalité de progression de carrière homme-femme, etc.


Vers une désintégration sociale ?

La CFTC dénonce vigoureusement la gouvernance d’entreprise actuelle, la « Voie Étroite » semblant n’être que l’habillage d’une maximisation du profit pour l’actionnaire et les dirigeants à tout prix, visant à s’abstraire des contraintes, des réalités et des responsabilités humaines et économiques, où la « responsabilité sociale » en est réduite à un simple concept marketing utilisé commercialement auprès des clients, pour capter les subsides publics et augmenter le contrôle des salariés. La CFTC exhorte donc la direction à un sursaut pour la recherche d’un autre schéma de gouvernance, durable et responsable celui-ci.


Voir aussi :