Un nombre croissant de personnes sont victimes d’agressions dans l’exercice de leur profession.

Ce dossier définit les différents types d’agressions se produisant en milieu de travail et aborde leurs conséquences physiques et psychologiques pour les victimes.

Ces pages n’abordent pas le problème de la violence dans les relations de travail : voir nos autres contenus concernant le harcèlement sexuel et le harcèlement moral.

L’ampleur actuelle de ce phénomène est particulièrement préoccupante : pour les salariés amenés à demander réparation pour les atteintes physiques ou psychologiques qu’ils ont subies ; pour les employeurs qui voient leur responsabilité civile et pénale mise en cause en raison d’un événement survenu sur les lieux de travail de façon imprévisible.

Les caisses régionales d’assurance maladie des régions Île-de-France et Languedoc-Roussillon ont particulièrement travaillé sur le sujet.
Consultez les documents qu’elles ont élaborés pour les salariés recevant du public et pour les transporteurs de fonds.

Définition et typologie des agressions

On peut distinguer trois niveaux d’agression :

  • l’incivilité , qui relève de l’absence de respect d’autrui et se manifeste par des comportements relativement bénins ;
  • l’agression physique ou verbale ;
  • l’acte violent.
  • Escalade de la violence
  1. questionne sur un ton sarcastique ;
  2. manifeste son désaccord ;
  3. proteste, blâme, jure. menace, hausse le ton ;
  4. frappe, bouscule, brise.
  • Les agressions sont essentiellement de trois types
  • les violences dites de « prédation » (cambriolages, vols et rackets, homicides) et qui touchent un nombre relativement restreint de professions bien définies, le secteur bancaire notamment ;
  • les violences physiques, les menaces ou les insultes qui touchent un très large éventail de professions en butte à l’agressivité de leur clientèle ou de leur public, dans les activités de service notamment ;
  • les actes de destruction ou de dégradation, dirigés non sur des personnes mais sur des biens matériels, les salariés confrontés à ces actes de vandalisme pouvant se sentir attaqués dans leur travail et leur identité professionnelle.

Conséquences pour les victimes

Ces violences d’origine externe à l’entreprise, quand elles ne provoquent pas le décès de la victime, peuvent avoir des répercussions sur la santé physique ou psychique de la victime, ceci quelle que soit la gravité de l’atteinte physique.

  • Atteintes physiques

Échelle de gravité des lésions attribuables à une agression absence de lésion traumatique observable ; hématomes, griffures ou trace unique ; hématomes, griffures ou traces multiples ; plaies nécessitant une suture simple ; plaies graves nécessitant une intervention chirurgicale ; blessures ayant entraîné un risque vital pour la victime ; blessures ayant entraîné la mort de la victime.

  • Atteintes psychologiques

La gravité des répercussions psychologiques dépend des circonstances de l’agression, de l’état personnel et de l’environnement de la victime au moment de l’agression. Les réactions de stress post-traumatique peuvent être immédiates : incapacité de la victime à parler, voire à se mouvoir (sidération psychique), ou bien état d’agitation (cris, pleurs, gémissements, besoin de fuir).

Cet état de stress, dit aigu, peut se prolonger dans le cas où il y a répétition d’événements traumatisants (injures, humiliations).
Si le choc psychologique est important, l’état de stress peut aussi persister plusieurs semaines ou plusieurs mois après l’agression.

On parle alors de stress post-traumatique chronique, anciennement dénommé névrose traumatique (ou PTSD). Cela se traduit par une série de manifestations psychologiques (reviviscence du traumatisme, anxiété, dépression chronique, surconsommation de tranquillisants, tentative de suicide...), physiques (troubles du sommeil, troubles digestifs ou neurologiques) ou comportementales (surinvestissement professionnel, attitudes compulsives, difficultés de concentration, désintérêt, démotivation, évitement...).

Un soutien psychologique adapté permet d’éviter l’apparition de troubles psychologiques.
Le stress post-traumatique peut être aussi différé (ou à début retardé) lorsque la pathologie s’installe quelques mois ou années plus tard.
La durée du retour à la normale dépend notamment de la qualité de la prise en charge dont bénéficie la victime.
Le soutien psychologique permet souvent d’éviter l’apparition de complications ou la persistance de manifestations consécutives à l’agression.

Professions à risque / facteurs de risque

Les éléments suivants ont été tirés des différentes études et bilans statistiques ayant été établis en matière d’agressions sur le lieu de travail.
Ils peuvent éventuellement être utiles dans une démarche d’identification des situations à risque.

Professions les plus exposées : Manipulation d’argent ou de valeurs caissiers, convoyeurs de fonds, employés de banque ou des postes, commissionnaires, personnel de sécurité, vendeurs... services de soins, de conseil ou de formation infirmier(e)s, ambulanciers, travailleurs sociaux, enseignants... contrôle et application de la loi agents de police, contrôleurs des transports en commun, gardiens de parc... travail au contact de personnes potentiellement violentes gardiens de prison, personnel de l’hôtellerie et de la restauration, personnel d’établissements psychiatriques... ceux qui travaillent seuls vendeurs (journaux en kiosque, commerce), démarcheurs à domicile, chauffeurs de taxi, conducteurs dans les transports publics, réparateurs à domicile, livreurs, gestionnaires de station-service, receveurs d’autoroute...

Situations propices à la violence

  • Du côté de l’agressé(e)

Travailler seul ou de façon isolée avec des horaires atypiques.
Exercer une profession particulièrement exposée aux actes de violence (journalisme d’investigation, armée, forces de l’ordre).
Travailler directement en contact avec le public (administrations, commerce, enseignement, poste, transports en commun, hôtellerie, restauration, services de santé, aide sociale...).
Travailler au contact d’objets de valeur ou d’argent liquide (secteur bancaire, distribution).
Travailler dans des conditions physiques et mentales dégradées qui prédisposent l’agressé à créer lui-même un climat d’agressivité.

  • Du côté de l’agresseur
  • Facteurs individuels psychosociaux (maladie mentale, passé marqué par la violence ou des démêlés avec la justice pénale) ou biologiques (facteurs génétiques, problèmes neurobiologiques et lésions cérébrales, abus d’alcool ou de substances psychotropes) ;
  • Facteurs macrosociaux (inégalités socio-économiques, chômage, précarité, accès à des armes à feu, à l’alcool et à la drogue, influence des médias).

Prévention du risque « agression »

L’entreprise doit au préalable évaluer les risques encourus par les salariés exposés, notamment en précisant l’organisation générale de l’entreprise et en étudiant les postes concernés, la disposition des locaux, les horaires et les procédures de travail, afin d’identifier les principaux facteurs de risque d’agression.

L’étape suivante consiste à élaborer une politique de sécurité dans l’entreprise (ou dans la branche d’activité), et à apporter quand cela est possible des solutions pour améliorer la sécurité des personnes y travaillant.

La participation des travailleurs et de leurs représentants à ces deux étapes est cruciale, aussi bien pour identifier les facteurs de risque, que pour mettre en oeuvre ultérieurement les solutions retenues.

Rappelons que la loi française n° 91-1414 du 31 décembre 1991 traite notamment des responsabilités de l’employeur en matière de prévention des risques professionnels.
Sans être spécifique au risque « agression », certaines mesures et certains principes généraux de prévention cités dans cette loi sont tout à fait applicables au contexte des risques professionnels liés aux agressions et violences en milieu de travail (planification de la prévention dans l’entreprise, évaluation des risques, nécessité de les combattre à la source).

Il n’existe pas de « solution type » de prévention ; les caractéristiques particulières de chaque environnement de travail doivent être prises en considération.

Quelques actions de prévention possibles, du collectif à l’individuel, mise en place d’un programme de lutte contre la violence dans l’environnement immédiat de l’entreprise (partenariat avec les autorités et les administrations locales, expérience des « grands frères » menée par la RATP) :

  • Limitation du risque par une meilleure organisation du travail et par l’établissement de consignes à suivre en cas d’incident ;
  • Conception et (ré)aménagement des locaux en fonction du risque agression (contrôle des accès, mise en place de sas d’entrée ou de trappons, installation d’écrans protecteurs) ;
  • Mise en place d’équipements ou de dispositifs de protection collective (systèmes de vidéo- ou de radio-surveillance, dispositifs d’alarme et d’alerte, vitrages renforcés) ;
  • Formation à la gestion des conflits et du stress (techniques de « coping », afin d’obtenir un meilleur contrôle émotionnel en situation d’agression) ;
  • Formation à la détection précoce des agresseurs potentiels (pour mieux désamorcer l’escalade de la violence) ;
  • Mise à disposition d’équipements de protection individuelle (gilets pare-balle).

Peut-on éviter l’agression ?

Il n’est pas toujours facile ou possible de maîtriser une situation difficile, mais, dans certains cas, il reste toujours une certaine marge de manoeuvre avant que la violence ne se déclenche.
Un agresseur potentiel a en effet le choix entre trois possibilités : attaquer, se retirer, ou arriver à un compromis.
Le personnel en contact avec celui-ci peut par son attitude, son comportement et ses paroles, l’influencer dans ce choix et le conduire à choisir la deuxième ou la troisième possibilité.
Ceci peut faire l’objet de formations destinées au personnel exposé.

Maîtriser une situation difficile : L’attitude, le comportement et les paroles utilisées ont une grande importance.

Quelques questions à se poser et quelques recommandations :

  • Contre qui ou quoi la colère ou l’hostilité de l’interlocuteur est-elle dirigée : le personnel, l’entreprise, ou lui-même ?
  • Faire appel à quelqu’un de plus expérimenté (si l’on ne se sent pas capable de gérer la situation).
  • Ne pas hésiter à quitter les lieux et à demander de l’aide.
  • Ne jamais sous-estimer un interlocuteur.
  • Rester toujours calme et poli, mais ferme.
  • Être à l’écoute de l’interlocuteur, parler du problème de façon raisonnable et ne pas hésiter à dire « vous avez peut-être raison... ».
  • Utiliser des mots simples, et répéter les explications si nécessaire.
  • Inviter à poser des questions. Utiliser la reformulation pour montrer que l’on comprend (ou pas).
  • Faire connaître ses limites d’intervention.
  • Rester intègre et ne jamais mentir.
  • Ne pas donner d’ordres, ni de conseils.
  • Éviter toute attitude agressive (bras croisés, mains sur les hanches, doigt pointé, bras levé).
  • Garder ses distances.
  • Ne jamais porter la main sur quelqu’un qui est en colère.

Prise en charge des victimes

L’entreprise peut prévoir une procédure d’accompagnement et de prise en charge (psychologique, juridique) des victimes, afin de limiter les conséquences psychologiques de l’agression.

L’organisation de cette prise en charge peut être faite au niveau de l’entreprise ou d’une branche d’activité (cas du secteur bancaire).

Dans les secteurs bancaires ou des transports, les propositions actuellement les plus fréquentes concernent le suivi psychologique des personnes : « Débriefing », ou entretien individuel d’écoute, conduit tout de suite après l’agression pour faire revivre l’événement dans tous ses détails et dans tout ce qu’il a généré au niveau mental (émotions, pensées, sentiments variés et forts).

Assistance des victimes lors des interrogatoires de la police (suite à un hold-up par exemple).

Suivi par des psychologues ou psychiatres, en relation avec des médecins du travail formés à ce genre d’intervention.

Formation de certains salariés à l’écoute et au soutien des personnes victimes d’agression.

Rôle du médecin du travail

Le médecin du travail est l’un des acteurs possibles de la prévention de la violence au travail ; son action est bien entendu étroitement liée aux moyens qui sont mis à sa disposition.
Outre son rôle d’information et de sensibilisation des travailleurs ou de l’employeur confrontés à ce risque, il peut participer à l’élaboration de formations adaptées et d’une politique de sécurité, au niveau de l’entreprise ainsi qu’au niveau des postes de travail concernés.
Il peut aider à mettre en place l’accompagnement et le suivi psychologique des victimes et être amené à pratiquer le « débriefing » individuel proposé à la victime immédiatement après l’agression.
Lorsqu’il y a eu un véritable traumatisme neuropsychique, imposant un reclassement professionnel, le médecin du travail aura à reconnaître le caractère de l’inaptitude : temporaire ou définitive.

Déclaration et reconnaissance du caractère professionnel des traumatismes psychologiques

L’agression prend des formes très différentes, allant de la prise d’otage sous la menace d’une arme à la simple violence verbale.
La gravité (possibilité de répercussions tardives) et la fréquence de ce type de risque sont donc souvent plus difficiles à évaluer que lorsqu’il s’agit d’accidents du travail classiques.

La déclaration auprès des organismes de Sécurité sociale est cependant soumise aux mêmes obligations ; c’est la condition préalable pour que la victime puisse bénéficier de la couverture « accident du travail ».

Une circulaire de la CNAMTS (Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés), datée du 10 décembre 1999, rappelle les principes qui permettent la prise en charge au titre du risque professionnel des traumatismes psychologiques, et plus particulièrement du stress post-traumatique affectant les salariés victimes d’agression sur leur lieu de travail.

Ces traumatismes sont reconnus si certaines conditions sont remplies : survenance des faits au temps et au lieu de travail, apparition des troubles dans un temps voisin des faits (dans le cas de manifestations tardives, il appartient à la victime d’apporter la preuve que l’état pathologique résulte bien du fait accidentel).

La CNAMTS souligne l’importance de la rédaction de la déclaration d’accident du travail et du certificat médical initial pour la reconnaissance du caractère professionnel de ces troubles.

En revanche, dans le cas de traumatismes psychologiques liés à des agressivités ou des incivilités répétées, la notion d’accident du travail disparaît pour laisser la place à celle de maladie professionnelle, le fait générateur de l’état pathologique ne pouvant être déterminé.

Bien qu’il n’existe pas de tableau de maladie professionnelle concernant le stress post-traumatique, les demandes de reconnaissance du caractère professionnel de ces pathologies peuvent être examinées.

Source : Texte largement inspiré d’un dossier INRS sur http://www.inrs.fr