Il était une fois…

….un petit lutin travailleur, identifié comme Talent par l’entreprise et qui après 8 années de bons et loyaux services, a souhaité en mai dernier faire une coupure de 6 mois en s’absentant dans le cadre d’un congé sabbatique. Durant toutes ces années, une fidélité sans faille et un véritable engagement dans son métier, ce qui l’amena à se voir confier la responsabilité de son service, dont les projets sont souvent considérés comme stratégiques.

Voila donc notre petit lutin travailleur qui part voguer sous d’autres cieux, pendant que son poste est confié à un prestataire pour la partie opérationnelle, le temps de son absence. Jusque là tout va bien.
Comme le veut la procédure, le petit lutin travailleur informe en temps et en heure l’employeur de son prochain retour pour début décembre, date à laquelle il va effectivement reprendre son poste. Tout aurait donc dû reprendre comme avant, mais le chef à plumes du petit lutin en charge du digital en a décidé autrement… En effet, dès son retour, il lui est signifié qu’il n’a plus sa place dans la direction et qu’il doit partir, vite si possible. Rendez-vous est pris pour lui, dans le bureau du sous-chef à plumes des Ressources Humaines ; celui-ci semble bien embêté, mais visiblement il n’a d’autre choix que d’exécuter les ordres de ses chefs.

Pourtant, si le petit lutin travailleur reste motivé et essaie tant bien que mal à s’occuper, il voit bien, et ses collègues aussi, que son chef ne le convie plus ou de façon facultative aux réunions auxquelles il participait avant son départ sur des sujets dont il portait la pleine responsabilité, ne lui fixe aucun objectif, l’ignore, ne lui donne pas de travail et sollicite ses propres collaborateurs sans lui demander ni son avis ni l’informer, bref, une mise à l’écart bonne et due forme….
Petit lutin travailleur vit mal cette situation et va donc accepter d’en parler avec l’un de ses collègues, membre de la confrérie des lutindicalistes [1], qui avait constaté comme tout le monde que quelque chose clochait depuis son retour.

Ce dernier écrit donc au sous-chef à plumes des Ressources Humaines pour lui faire part de son inquiétude sur la situation du petit lutin travailleur et lui demander une entrevue. Et moins de 20 minutes plus tard, patatras !
Pas de réponse au lutindicaliste, mais une convocation immédiate du petit lutin travailleur, au cours de laquelle il lui sera notifié une mise à pied conservatoire [2] sans aucune justification et un rendez-vous la semaine suivante pour un entretien préalable en vu d’un éventuel licenciement !

Mais quels crimes de lèse majesté petit lutin travailleur a-t-il commis pour subir une sanction si soudaine et si brutale ? L’équipe des lutindicalistes a beau se creuser la tête, rien ne s’est passé depuis son retour de congé sabbatique un mois plus tôt qui puisse justifier une telle décision ; ils devront donc attendre l’entretien préalable pour en savoir davantage.
C’est un autre lutindicaliste qui va assister le petit lutin travailleur à cet entretien (son manageur n’y assistera pas, contrairement à ce qui se fait habituellement) durant lequel on lui reproche :

  1. sa loyauté en affirmant qu’il aurait émis des réserves avant son départ en congés sur les compétences de son manageur auprès du grand chef à plume de la plaine opérationnelle de Permawon France, mais aussi au sein même de son équipe et lors de son retour auprès d’un autre manageur,
  2. refuserait de participer aux réunions sur des sujets le concernant directement.
    Des allégations sans fondement que les deux lutins vont démonter une à une, sans se faire beaucoup d’illusion sur la décision qui sera prise au terme du délai de réflexion (2 jours ouvrables) que la Loi impose à tout employeur avant de rendre son verdict.
    Et effectivement, 3 jours plus tard, un courrier AR arrive au domicile du lutin travailleur qui lui confirme son licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnités de licenciement !

Analyse des faits...

Nous aimerions pouvoir écrire au terme de ce récit que « Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. » Malheureusement, il n’en est rien, la situation est bien réelle et apporte les commentaires suivants :

  1. Ne doutons pas que l’entreprise saura trouver si besoin les témoignages de dénigrement ; certains sont prêts à tout pour se faire bien voir. Si ceux-ci devaient être produits devant la justice, leurs auteurs seront connus. Ambiance garantie…
  2. Le sous-chef à plumes des Ressources humaines, s’il n’a fait qu’exécuter les ordres de ses supérieurs, a instruit le dossier à charge et mis son service dans une position plus qu’inconfortable. La défiance des salariés qui était déjà forte vis-à-vis de cette direction ne va pas s’arranger. Le travail qui a été fait ces derniers temps en associant des collaborateurs de son équipe à des réunions de service pour expliquer leur rôle auprès des salariés et les inciter à les contacter en cas de besoin vient d’en prendre un sacré coup. Qui ira exposer ses difficultés s’il sait que de toute façon c’est à son manageur que l’on donnera raison ?
  3. Croire que contacter les représentants du personnel a été l’erreur du petit lutin travailleur est faux ; l’issue n’aurait en rien été modifiée et il se serait retrouvé seul et licencié avec des indemnités ridicules. Si l’alerte du lutindicaliste a bien déclenché la mise en œuvre du plan machiavélique, elle n’a fait que la précipiter et c’est grâce à l’antériorité de cette intervention que les juges auront la preuve de l’existence de ce plan. La concomitance (20 minutes) entre la demande d’échange entre le lutindicaliste et le sous-chef à plumes des Ressources Humaines est si évidente que cela va peser lourd dans la procédure à venir si entre temps les 2 parties ne trouvent pas un compromis acceptable.
  4. L’entreprise a fait le choix de se séparer d’un Talent, désavouant ainsi un choix antérieur. C’est son droit, mais comme aucune raison valable n’a été exposée durant l’entretien préalable, quel est le véritable enjeu ? Ses compétences faisaient-elles de l’ombre ? Sa place était-elle convoitée ? Si au moment de la rédaction de cet article nous n’avons aucune explication rationnelle, l’observation de ce qui pourrait se passer dans les prochaines semaines nous donnera certainement quelques éléments de réponse.
  5. Le CHSCT, qui suivait depuis un certain temps les problématiques de cette direction a lancé une enquête interne qui pourrait se poursuivre par une expertise extérieure si nécessaire. Le Comité d’établissement sera également sollicité pour qu’il intervienne sur son périmètre de responsabilité.
  6. Si vous ne voulez pas d’ennuis, vénérez votre chef avec la plus grande déférence… (Non, c’est une blague...)