La rémunération variable des permanents Manpower (agences et fonctions support) vient enfin d’être rénovée par la direction, sur fond de crise sociale et de départs sans précédents dans les équipes opérationnelles en agence. Si la CFTC-intérim regrette que la direction n’ait pas encore réellement pris en compte les enjeux du partage de la valeur dans l’entreprise, cette refonte est plutôt porteuse d’une plus grande équité et justice dans l’allocation des primes de variable des salariés permanents.

Comme les élus CFTC-intérim ont solennellement interpellé le DRH Manpower à l’issue de l’avis, ces nouvelles modalités ne sont qu’une boite à outil sans doute mieux conçue, mais qui ne résoudront en rien les importants enjeux internes. L’essentiel portera sur une capacité de régulation correcte, honnête et en cohérence des objectifs par les directions, ce qui reste encore à démontrer.

Avis adopté par 7 voix pour et 5 contres par le Comité Social et Économique Central Manpower, concernant la réforme 2023 de la rémunération variable des salariés permanents Manpower (agences et fonctions support) :

Lors du CSEC du 17 novembre dernier, la direction a présenté son projet de modification du compte d’exploitation (CXP) des agences, avec l’intégration du calcul « full marge », et ses impacts sur la rémunération variable des salariés Référence intérim. À cette occasion la direction a également présenté son projet de modifications du calcul des rémunérations variables de ces mêmes salariés, ainsi que des salariés des centres de service.
Depuis de nombreuses années les élus réclamaient la prise en compte intégrale de la marge dans le CXP des agences qui, de réformes législatives en évolutions internes, était devenu obscure, incompréhensible et source de défiance pour tous.
De même, les élus réclamaient la remise à plat du système de rémunération variable devenu, au fil du temps, obsolète et inadapté aux évolutions du marché et aux enjeux de l’entreprise.
Les élus sont donc satisfaits d’avoir été entendus, leur diagnostic est enfin partagé par la direction et permet la mise en place d’un système plus en phase avec la nécessité de développement commercial (prise en compte du chiffre d’affaires et pas uniquement de la marge) mais toujours pas avec la nécessité de partager plus équitablement la valeur.
Les élus regrettent que la direction ne soit pas allée au bout de l’exercice sur ce point.
Néanmoins, si les élus du CSEC partagent l’urgence d’une telle refonte pour tenter de juguler l’hémorragie des parts de marché sur laquelle ils alertent depuis plusieurs années, ils ne peuvent accepter le principe d’une consultation à la va-vite en fin d’année, sans anticipation, sur des sujets aussi stratégiques pour les agences et les salariés.
La direction a pris le risque de mettre en place toutes ses mesures avant même le résultat de la présente information-consultation. Les élus ne disposent d’aucune marge de manœuvre pour amender le projet en 2023. Les arbitrages internes sont devenus si complexes et si longs qu’ils en viennent à nuire au bon fonctionnement du dialogue social. Même si la direction dit avoir pris en compte le contenu des échanges des tables rondes rémunération, cela n’excuse en rien cette consultation tardive.
D’autant que si la DRH a entamé rapidement le dialogue avec l’expert mandaté par le CSEC sur les sujets de rémunération, la direction financière a été moins réactive sur la refonte du CXP agence même si l’expert a pu disposer dans les délais de tous les documents et explications nécessaires.
Si 2023 ne semble pas être la meilleure année pour opérer de telles réformes structurelles, étant donné les incertitudes économiques et sociales, les élus notent que la direction a déjà prévu un filet de sécurité et envisage une V2 pour 2024 qui nécessitera de leur part un suivi minutieux pour corriger d’éventuels inégalités ou iniquités.

Modification du CXP des agences

Les élus sont satisfaits que :

  • le CXP des agences reflète enfin la réalité de la marge, avec l’affectation en totalité des 6% d’exonération de cotisations sociales liées à la disparition du CICE. Les comptes seront désormais plus clairs et offriront la possibilité aux commerciaux d’être enfin sur les mêmes bases que leurs concurrents pour la fixation des prix.
  • Les intérêts sur les encours clients passent de 0,4% à 0,2%, ce qui est plus acceptable et plus conforme à la réalité.
  • La direction ait choisi d’anticiper dès 2023 la suppression intégrale de la CVAE qui n’interviendra qu’en 2024.
    Cependant, d’autres partis pris appellent des réserves :
  • La détermination du taux de commissionnement qui passe à 2% de la contribution contre 6% de RN et qui impacte directement le niveau de rémunération variable des salariés, comme nous le verrons plus bas.
  • La standardisation (forfait) de certains taux d’imputation qui ne tiennent pas compte de la réalité :
  • La part de la participation à 0,5% du CA alors qu’elle devrait s’opérer au réel : qu’en sera-t-il les années où la participation sera inférieure à cette quote-part, ce qui a été le cas en 2019 (0,42%), en 2021 (0,4%) ou en 2020 (0) ?
  • La charge liée à la rémunération de 8% du CET intérimaire, quelles qu’en soient la durée et la date d’ouverture. Ce choix risque d’inciter les agences à limiter l’ouverture des CET en fin d’année, ce qui serait contreproductif pour tout le monde.

Modification du système de rémunération variable pour les salariés de Référence Intérim

Au-delà des délais, les élus s’interrogent sur la méthode : la direction a pris un risque en fondant ses simulations uniquement sur 2021, année de reprise mais très atypique puisqu’elle suivait 2020, ses confinements inédits et sa chute historique d’activité. Il est surprenant que tout le système de rémunération variable soit bâti sur une simulation portant sur une seule année. 2019 et 2022 aurait aussi dû utilement être simulées.
Cela étant, en 2021, selon ce qui nous a été présenté par la direction et au cours de l’expertise : sur une base 100 avec l’ancien système, l’entreprise aurait distribué 117 avec le nouveau mode de calcul, intégrant le « booster ».
Le système proposé semble plus redistributif, il bénéficie en effet à un peu plus grand nombre de salariés, ce qui est une bonne chose, mais si leur nombre est supérieur, cependant 24% des salariés y auraient perdu en niveau de rémunération variable.
Et encore, ce résultat n’est obtenu que grâce à l’action salvatrice du « booster ». Sans son instauration, 62% des salariés y auraient perdu, ce qui aurait été inacceptable pour 2023 et ne serait pas viable pour l’avenir.
Pour le dire autrement, là où l’ancien système aurait distribué 1,4 mois de salaire, le nouveau système n’en aurait distribué que 1,1 mois sans booster mais 1,5 mois avec celui-ci.
Il est évident que le système fondé sur le principe de contribution ne peut fonctionner qu’avec un booster, sinon il perd tout attrait et devient même parfaitement contre-productif car très pénalisant pour les plus performants, comme le démontre l’expertise. En effet, le booster « rattrape » les top-performeurs qui seraient sinon injustement les grands perdants de la réforme.
Par ailleurs, l’effet de seuil du booster ne suffit pas à rattraper le niveau de rémunération variable des salariés des agences dont le taux de contribution est juste inférieur à 8%. De même, et c’est dommage, les taux de contribution sont très différents en fonction du secteur d’activité des agences, ce qui ne constitue pas une politique volontaire en adéquation avec les orientations stratégiques, le BTP en est la meilleure illustration.
Les incertitudes liées à la conjoncture économique et à la première année de mise en place du nouveau système de rémunération variable ont poussé la direction à prévoir pour 2023 un mécanisme de garantie destiné à pallier les risques de baisse de rémunération variable par rapport à 2022 (compensation jusqu’à un CA 2023 ≤ 80% du CA 2022), ce que les élus approuvent sur le principe, tout en déplorant l’existence d’un verrou à cette compensation.
Cependant, la direction ne simule pas 2023 avec l’ancien système en parallèle de la mise en place de la contribution pour étudier les conséquences de la réforme sur une année jugée a priori moins favorable.

L’analyse des nouveaux mémos prime suscite plusieurs remarques de la part des élus :

D’une manière générale :
  • Les nouveaux mémos prime ne sont pas plus simples qu’auparavant, il est à noter qu’ils intègrent des objectifs plus collectifs. Les objectifs individuels ne doivent pas cependant donner lieu à une mise en concurrence des salariés d’une même équipe entre eux. Nous préconisons une réunion d’équipe pour s’assurer de cette cohérence.
  • Les élus sont satisfaits que la rémunération variable soit enfin assise sur le chiffre d’affaires et plus sur un RN « commissionnable » dépourvu de sens.
Pour les RA/DA :
  • La prime sur objectif est adossée au CA de l’agence et non-plus au TMB-TTR. Pour contrer le risque « d’effet richesse », qui aboutirait au développement de comptes à faible rentabilité mais à fort volume pour améliorer le CA, la direction met en place un accélérateur, calculé sur la base du ratio du TMB des clients/TMB de l’agence. Il faut toutefois veiller à ce que cet accélérateur ne limite pas le développement de nouveaux clients dans les agences à forte rentabilité.
  • Le développement commercial dans lequel le RA/DA est désormais plus impliqué, ne doit pas s’opérer au détriment des tâches de management et d’accompagnement des nouveaux entrants qui sont souvent juniors en cette période de turnover inédit.
Pour les business developer
  • La modification des modalités d’attribution de la prime de déclenchement (déclenchement + VMB de 5K€ minimum dans les 6 mois à volume de CA uniquement dans les 12 mois) risque de freiner la conquête de nouveaux clients en limitant la présence des commerciaux sur le terrain, mobilisés à servir leurs commandes pour déclencher la prime. Nous risquons de retomber dans les travers des chargés d’affaires.
  • Il faut bien réaffirmer la complémentarité entre le business developer qui déclenche et le consultant Manpower qui développe un compte.

Modification du système de rémunération variable pour les salariés des centres de services

Même si, comme pour les salariés de référence intérim, il faut veiller à préserver les top performeurs, les élus sont satisfaits d’avoir été enfin entendus sur leurs revendications :

  • d’intégration d’une part de variable dans la rémunération fixe des salariés des centres de services (1 mois), les gestionnaires et gestionnaires experts faisant partie des salaires fixes moyens les plus bas de l’entreprise.
  • d’un rééquilibrage des primes entre activité et qualité pour éviter la perte de sens d’une travail qui n’était évalué que quantitativement.
    Les élus constatent cependant que les objectifs pour les salariés des CSPF restent encore trop nombreux et complexes.
    À la suite de leur analyse, les élus demandent :
  • La restitution le cas échéant, dans le CXP des agences, des reprises sur provision suivant la même clef de répartition que celle utilisée pour constituer les provisions, conformément à ce qui avait été demandé lors de l’analyse de la situation économique et financière à propos de l’URSSAF.
  • L’accompagnement et le suivi du déploiement de « New deal » au plus près pour éviter dérives et incompréhension.
  • La suppression du verrou lié au chiffre d’affaires dans le mécanisme de garantie pour 2023. Pour être plus équitable et plus simple, la rémunération variable devrait être calculée sur la base de la plus favorable des deux années.
  • L’instauration d’un point trimestriel en instance avec pour 2023 une simulation entre les deux systèmes afin d’anticiper les évolutions, le cas échéant.
  • L’ouverture de discussions pour que les prochaines versions répondent enfin à l’impératif d’une meilleure répartition de la valeur.
  • Le bénéfice pour les Conseillers Manpower de l’injection d’une part de leur variable dans leur rémunération fixe, celle-ci étant particulièrement basse malgré leur rôle essentiel dans les agences.
  • La garantie de la pérennisation du booster car il s’agit d’un élément structurant et essentiel du nouveau système de rémunération variable sans quoi le système n’est pas viable car trop défavorable. Nous prenons acte des engagements pris par la direction ce jour (CSEC du 17/02/2023) dont le lancement d’une nouvelle information-consultation en cas de modification.
  • La détermination du seuil du booster non plus uniformément pour l’ensemble de l’entreprise mais de manière modulée en fonction des secteurs d’activité des agences pour rendre le système du booster plus agile, plus juste et plus conforme à la stratégie de l’entreprise.

Voir aussi :