Manpower a fait état ce mercredi d’un bénéfice net de 123,9 millions de dollars, soit un bénéfice par action (BPA) dilué de 1,66 dollar, au titre du dernier trimestre de son exercice, contre 117,2 millions représentant 1,47 dollar un an auparavant.
Les revenus se sont pour leur part élevés à 5 milliards de dollars, soit une progression de 3% en glissement annuel (+7% à changes constants).
Le spécialiste du travail intérimaire a donc bien résisté, même si le BPA (bénéfice par action) a été impacté à hauteur de 16% par un effet devises défavorable.
(Source : Cercle Finance le 03/02/2016)

À la lecture de cette publication, vous vous dites que ce constat pouvait laisser présager une redistribution des bénéficies aux actionnaires, mais également aux salariés : que nenni !
À l’issue de 3 réunions, la NAO (Négociation Annuelle des Salaires) s’est terminée le 5 avril 2016 sur un constat de désaccord entre la direction de l’entreprise et les organisations syndicales, et l’on peut légitimement se demander si le caractère obligatoire de cette négociation n’agace pas l’employeur au point de le rendre sourd à toute revendication.
Car comme nous vous l’expliquions dans notre précédente et ci-après communication, le contexte était largement favorable à une reconnaissance du travail de chacun et les prétextes évoqués pour ne pas y répondre pourront toujours l’être, quels que soient les résultats de l’entreprise, avec la même mauvaise foi désarmante.
Malgré le constat d’une situation saine des comptes de l’entreprise par l’expert comptable du CCE, des millions reçus au titre du CICE (90M d’€ en 2013, 124 M d’€ en 2014), aucune prime ou augmentation générale qui viendrait récompenser l’effort collectif ! Or vous le savez, les seules augmentations individuelles sont trop souvent attribuées de façon arbitraire, et nombreux sont ceux qui n’en voient jamais la couleur ou n’en ramassent que les miettes.
Voici donc les mesures prévues par l’employeur :

  • 1,6% de la masse salariale pour la reconnaissance de la performance individuelle, aux promotions et aux accompagnements de carrière ;
  • Reconduction du dispositif CESU (300€ par an et par salarié, cofinancé à 66,7% par l’employeur) ;
  • Table ronde sur le thème de la rémunération variable ;
  • Ré-ouverture d’une négociation sur un Plan Epargne Retraite ;
  • Mise en œuvre de la loi Mathys sur le don de CP (abondement d’une journée par l’employeur, pour 10 jours donnés par les salariés) ;
  • Prise en charge de frais de parking.
    Avec tout cela, pas de quoi mettre en danger la trésorerie de la société, ni de faire fuir l’actionnaire qui a vu l’action passer de 43,82$ à 83,18$ entre janvier 2013 et janvier 2016.
    Mais rassurez vous, ces décisionnaires qui viennent vous expliquer qu’il serait irresponsable d’attribuer une augmentation générale de 0,6% à l’ensemble du personnel, n’hésitent pas à s’octroyer des primes allant de 5 à 10 fois leur salaire mensuel dont on vous laisse deviner le montant.

Récit d’une illusion troublante

Analyse fine des rémunérations des salariés dans la poche extérieure de ma sacoche,
Indicateurs et résultats très satisfaisants de l’entreprise dans la poche intérieure.
Sous le coude, ma pochette cartonnée qui contient ma liste de revendications émanant de salariés ;
Elle a été soigneusement préparée, synthétisée, et argumentée avec notre équipe.

Tout en révisant mes notes avant l’entrée en salle de la Direction des Ressources Humaines,
Je me persuade que cette année ne ressemblera pas aux précédentes,
Que la très bonne santé financière de Manpower nous permettra d’obtenir des augmentations de salaire significatives pour nos collègues.

Ce matin, ils sont 4 marchant du même pas : le DRH, le Directeur des relations sociales, accompagnés de leurs assistantes.
Ils introduisent la négociation annuelle obligatoire (N.A.O) par l’habituel discours qu’ils ne termineront que de longues minutes plus tard.
Mais nous sommes en accord sur un constat : la société Manpower se porte bien !

Toutefois, aussi surprenant que cela puisse paraître, nous nous trouvons soudainement décontenancés, ébranlés, chahutés, lorsque certains éléments macros et extra-économiques sont abordés.
Pour nous, c’est sans ambiguïté : le taux de change défavorable, la faible croissance de la Chine…les attentats et l’insécurité de notre pays nous semblent totalement hors contexte d’une N.A.O.

Ces éléments sont les prémices d’une rude discussion qui ne ressemble en aucun point à une quelconque négociation.
Même si je prends conscience que toutes les composantes d’une fatidique conclusion d’échec sont réunies, je ne m’y résigne pas, et avec mon équipe nous développons nos arguments et rappelons le contexte qui fait de notre société un des leaders mondiaux dans son secteur d’activité :

  • Manpower Inc. vient de signer le meilleur taux de marge de ces 20 dernières années.
  • La France contribue fortement à la génération de marge pour le groupe avec un taux de profitabilité proche de 6%, ce qui en fait le pays le plus profitable dans le monde, juste après l’Italie.
  • D’importants efforts de la part des salariés ont été faits avec deux tiers de cette augmentation de marge liée à des économies de coûts. (Et non à l’offre diversifiée)
  • Un volume de RN en forte hausse.

Par conséquent, et en toute logique, nous demandons une revalorisation salariale et l’examen d’un certain nombre d’avantages sociaux.
La réponse de la DRH était prévisible : la bonne santé de Manpower n’est pas un acquis et il faut consolider nos points forts tout en améliorant nos points faibles.
Quelques années d’expérience nous permettent d’établir les 2 constats suivant sur la santé financière de l’entreprise :

1er cas (ex : années 2009 à 2011) : Manpower affiche des résultats passables => Pas de prévisions de reprises
=> pas d’augmentations de salaire.
2e cas (ex : 2012 à 2015) : Manpower affiche de bons, voire très bons résultats => Pas de garantie que cela perdure = pas ou peu d’augmentation de salaire.

Deux situations différentes et pourtant la même conséquence…

…sauf que l’essence même du travail temporaire est de ne pas être durable et que toute notion de concrétisation du succès est difficilement envisageable d’une année à l’autre.

Les autres arguments visant à nous faire prendre conscience que les salariés n’auraient pas été assez productifs sont très loin de la réalité (Nous ne sommes qu’à la moitié de l’atteinte de nos objectifs au 2/3 de la période fixée).

Ainsi, les multiples révisions des objectifs du plan Envergure (fin 2014 puis fin 2015) sont uniquement liées à la difficulté pour l’entreprise de fixer des objectifs atteignables…sauf pour les baisses d’effectif où il était initialement prévu 72 postes en moins alors qu’à ce jour nous en sommes à 178 postes supprimés !
C’est ainsi que se matérialise l’illusion troublante, définie par une sorte de phénomène paranormal se produisant chaque année à l’aube, puis tout au long de la négociation annuelle obligatoire.


Voir aussi :