Ajout du 01/06/2016 :

Les grèves bloquent la France, conséquences de la loi travail

Sur divers médias, le Président de la République Monsieur François Hollande surenchérit sur les propos du 1er ministre Monsieur Manuel Valls, pour dénoncer « un blocage qui est fondé simplement par une stratégie portée par une minorité » et fait porter la responsabilité des perturbations sur la CGT. Il dénonce une impossibilité de réformer et une atteinte à la démocratie.

Si la CFTC n’a jamais appelé à la grève et que tout un chacun peut compatir avec toutes les victimes indirectes des conséquences du mouvement social, les simplifications abusives, tant du couple exécutif, que les dérapages verbaux de Monsieur Pierre Gattaz, ne peuvent rester sans réponse.

Un monde politique et des représentants patronaux aux propos et agissements déplacés...

De quelle minorité parle-t-on ?

Des syndicats qui ne représentent que 10 % des salariés (pourcentage de salariés adhérents à une organisation syndicale) ?
Ce taux de syndicalisation apparaît faible en regard des 80 % de salariés syndiqués en Allemagne par exemple. Cependant, rapporter des chiffres revient à taire une différence majeure de mentalité entre nos deux pays sur cette question.
En Allemagne, être syndiqué est la seule façon de bénéficier des avantages des accords (à contrario de la France où tous en bénéficient). En Allemagne, l’appartenance syndicale est chose normale et non pas un aller direct vers Pôle Emploi ou les Prud’hommes pour faire condamner les discriminations subies.

Un rapport aux chiffres volontairement déformé :
Que dire des 88 000 adhérents au Parti Socialiste, soit moitié moins que le nombre d’adhérents à la seule CFTC, pourtant un petit syndicat
Quant à la ligne défendue par Monsieur Manuel Valls et appliquée par le gouvernement, elle ne représentait que 5 % des votes lors des primaires du Parti Socialiste en 2012… Sans compter qu’elle n’a jamais été annoncée par Monsieur Hollande quant il était candidat dans son programme.

Qui donc est minoritaire et fait usage de la force ?

Pour rappel,

  • 72% des français sont opposés à la loi travail en son état actuel, la moitié ou les 2/3 d’entre eux soutiennent le mouvement social, selon les sondages.
  • La côte de popularité de Messieurs Hollande et Valls est inférieure à 15% d’opinions favorables.
  • La pétition en ligne contre la loi travail a recueilli plus de 1,3 millions de signatures.
  • Le gouvernement n’a même pas pu s’appuyer sur sa majorité à l’Assemblée Nationale pour faire approuver le texte et a coupé court à tout débat en faisant usage de l’article 49.3 de la constitution.

... et inconséquents, qui attisent et amplifient les tensions et les blocages

Si le projet de loi originel a fait l’objet de discussions avec les organisations syndicales pour le faire amender, aucune position commune n’a pu être trouvée. Le fameux article 2 (voir notre article précédent) reste la pierre d’achoppement entre les parties.

La CGT a choisi de descendre dans la rue pour faire valoir ses positions au travers de manifestations pacifiques (là encore, nous condamnons les actes de violences commis par des personnes extérieures au mouvement), sans bloquer le pays.

Pour quels effets ? Une position dure, limite diktatique du gouvernement, qui oblige l’organisation syndicale à durcir son mouvement jusqu’à la situation dans laquelle nous nous trouvons.

La minorité de blocage du pays semble bien celle de l’exécutif français, dogmatique et jusqu’au-boutiste…

Quant à Monsieur Gattaz qui n’hésite pas à traiter la CGT de terroristes, nous lui demandons de faire amende honorable et d’arrêter de jeter de l’huile sur le feu, en particulier dans le contexte douloureux que traverse notre pays.


Version initiale du 27/05/2016 :

Lors de son discours à l’assemblée nationale du 11 mai 2016, le premier ministre M. Manuel Valls a évoqué les 469 amendements qui seront pris en compte dans la rédaction définitive de la loi travail.

Quelques améliorations, issues des amendements parlementaires ...

L’analyse à chaud de ces amendements indique quelques avancées :

  • Le périmètre retenu pour la définition de la cause économique d’une entreprise appartenant à un groupe sort du simple périmètre national.
  • Concernant les accords de développement de l’emploi, doux euphémisme indiquant que les salariés doivent faire des efforts sur les horaires et/ou les salaires, le motif de licenciement reste économique pour les salariés qui refuseraient ces modifications.
    Les efforts demandés aux salariés pourront, par voie de négociation, être également demandés aux dirigeants salariés, aux mandataires sociaux et aux actionnaires. Encore faut-il que la négociation ait lieu et aboutisse…
  • Le Compte Personnel d’Activité (CPA) devient une réalité. Si sur le papier ce compte personnel doit permettre au salarié de maintenir, au travers de formations, son employabilité, le texte actuel reste peu concret et nous espérons que cette avancée ne sera pas un simple miroir aux alouettes donné en pâture pour calmer les syndicats.
    Alors que le monde du Travail Temporaire évolue favorablement en mettant en œuvre de nouveaux types de contrats comme le CDI – Intérimaire, certes imparfait à l’heure actuelle, pour limiter la précarité et proposer une vraie stabilité au travailleur temporaire, cette mesure doit être regardée avec circonspection.

... mais des vices juridiques inacceptables, tel que l’inversion de la hiérarchie des normes ...

Cependant, les régressions majeures et insupportables apportées au droit et au Code du Travail restent toujours de mise. Ainsi le problème crucial d’inversion de la hiérarchie des normes qui ferait primer les accords d’entreprise sur les accords de branche (et la loi), reste toujours d’actualité. La volonté de maintenir cet article (l’article 2) a été réitérée par Monsieur Valls le 25 mai 2016 lors de son allocution devant l’assemblée générale.
Si la CFTC a toujours défendu le principe de la négociation, cet article apporte un risque majeur en permettant à un accord d’entreprise de prévaloir sur l’accord de branche, y compris de manière défavorable.
Connaissant la nature de beaucoup de négociations, il est clair que cet article est une porte ouverte au chantage à l’emploi, au dumping social, et ne peut perdurer dans l’état de sa rédaction.
Quant à la commission paritaire permanente de suivi des accords prévue par un amendement, elle ne servira strictement à rien car dénuée de tout pouvoir de véto et d’action.
Espérons que le Conseil Constitutionnel, garant du droit, censurera cet article inique qui provoque un inversement de la hiérarchie des normes, quoi qu’en disent nos politiques…

... avec des risques majeurs de dumping social et salarial

Au niveau du travail temporaire, c’est la porte ouverte à la concurrence déloyale des sociétés de travail temporaire originaires de pays à faible coût de main d’œuvre, qui pourront continuer à payer leurs salariés au salaire du pays d’origine en arguant que le contrat de travail initial prévaut sur l’obligation française de payer au SMIC…

La CFTC-Intérim ne peut se satisfaire de l’état actuel du texte proposé et invite chacun, dans le cadre de son exercice de citoyenneté, à peser par tous les moyens légaux admissibles, pour faire évoluer ce texte par nature le plus antisocial qu’un gouvernement ait pu proposer.
Quant à sa dénomination, nous cherchons toujours quels sont les articles en faveur de l’emploi, il nous apparaît plutôt qu’il favorise le chômage et l’enrichissement des mandataires sociaux et actionnaires au détriment des salariés.

La responsabilité des acteurs politiques face à leur parole publique

Le Syndicat National du travail Temporaire ne peut que regretter également que le Président de la République Monsieur Hollande ne se souvienne plus de ses propres propos en 2006 alors qu’il interpellait le gouvernement sur le CPE ainsi « Le premier verrou que vous voulez faire sauter c’est le Code du travail » et lui reprochait d’« engager le 49-3 pour empêcher qu’il y ait un véritable débat sur le démantèlement du droit du travail » et qualifiait cette utilisation de violation des droits du parlement et appelait à sa suppression… Une illustration déplorable du principe de l’arroseur arrosé…