En dépit des instances représentatives des salariés du Siège social, le projet a été mené en impasse par la direction de l’entreprise Manpower

Présents à la majorité absolue dans les instances représentatives du Siège, les élus CFTC y ont comme à leur habitude assuré sérieusement leur mission.
Alors même que tous les élus envisageaient positivement le principe du regroupement des deux sites actuels du Touzet (St-Ouen) et de Bingen (Paris), les élus CFTC ont tout d’abord immédiatement identifié un risque technologique Seveso seuil haut concernant le site retenu pour le projet de déménagement du Siège social Manpower à Nanterre (voir notre article précédent sur la non-prise en compte de cette problématique dans le projet). Une expertise technique a donc ensuite été réalisée à la demande du CHSCT, et celui-ci a lui-même réalisé une enquête sociale interne auprès des salariés, pour identifier les conséquences du choix du site de Nanterre. Les conclusions de ces travaux, présentées ci-après, sont édifiantes.

Pourtant, les erreurs commises dans la sélection auraient très facilement pu être évitées, si la direction avait pris en compte le cahier des recommandations rédigé par le CHSCT à l’initiation du projet, ou bien simplement accepté la discussion demandée par les élus avant le choix définitif.

Désormais, il ne reste plus à la direction Manpower qu’à gérer l’impasse dans laquelle elle a mené le Siège et ses salariés :

  • dans le pire des cas, la direction peut valider un choix aberrant d’un point de vu socio-économique (voir les avis ci-après),
  • dans le meilleur des cas, la direction devra renoncer au site totalement inadéquat qu’elle a retenu, et donc suspendre le regroupement des deux sites actuels du Siège que tout le monde appelle pourtant de ses vœux.

Un site desservi par un transport unique et peu fiable, et un bâtiment totalement inadapté aux dangers liés à son environnement

Le bâtiment Eurêka retenu dans le projet, conçu en dehors de toute mesure préventive particulière au niveau du bâti, est au sein du périmètre urbain de danger létal du site industriel Seveso seuil haut situé à proximité. Si ce site industriel a évolué et certains dangers se sont estompés, ce périmètre est actuellement conservé dans les documents d’urbanisme en regard des dangers graves identifiés type explosion en 2005 du dépôt pétrolier de Buncefield en Grande-Bretagne, mais que les études ne prendront pas en considération avant plusieurs années (voir détail de l’avis ci-après).

L’avis défavorable unanime rendu le 15/12/2008 par le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) du Siège sur les aspects hygiène, sécurité et conditions de travail du projet est le suivant :

« Le CHSCT, consulté sur l’opportunité du projet de déménagement du siège social vers le site de Nanterre, porte un avis résolument négatif au regard des nuisances de santé physique et morale et des dangers qu’il ferait peser sur les salariés :

1°) Dégradations des conditions de transport et surcoût pour les salariés :

Le problème de l’accès par le RER A impliquerait que la direction prenne des mesures palliatives fortes :

  • Augmentation moyenne du temps de transports de 14,4 mn x2 = 28,8 mn par jour et par personne (enquête interne auprès des salariés) ;
  • Risque d’interruption complète de l’accès au site, en cas de panne ou de grève sur l’unique moyen de transport ferré.

En particulier, le CHSCT demanderait à ce que :

  • les surcoûts financiers provoqués par le déménagement (garde, transport, etc) soient compensés par l’entreprise ;
  • l’entreprise assume les conséquences liées à l’absentéisme du fait d’éventuelles interruptions sur le RER A (aller et/ou retour des salariés) ;
  • le télétravail soit mis en place à destination de tous les salariés.

2°) Augmentation de la pollution de l’air :

Le site étant en particulier accolé à une autoroute (A86) et le système de ventilation du bâtiment étant inadapté à cet environnement, le CHSCT alerte l’entreprise sur les risques d’augmentation sensible des affections respiratoires liés à cette pollution, et demanderait à la Direction de faire adapter ce système (types de filtres utilisés…). A ce jour, aucune action de mesure de la qualité de l’air n’a d’ailleurs été prise par la direction, malgré la demande du CHSCT.

3°) Dangers liés aux évacuations :

Le CHSCT rappelle qu’il serait nécessaire de parer dans le cadre de la mise en place du plan d’évacuation du bâtiment :

  • au trafic routier intense enserrant le bâtiment et rendant difficile et dangereux l’accès à une zone de rassemblement ;
  • au risque de chute de vitres au droit des issues du bâtiment.

4°) Dangers liés au risque industriel Seveso seuil haut situé à proximité :

Au vu notamment de l’expertise réalisée qu’il a commanditée sur le risque industriel Seveso seuil haut, le CHSCT rappelle solennellement :

  • Que les études actuelles ne tiennent pas compte des risques liés aux effets dominos et aux explosions de vapeur en milieu non confinée (arrêté DATEDE n°2008-129 du 22/10/2008), qui ne seront donc pas pris en compte dans le prochain Plan de Prévention des Risques Technologiques (PPRT) du site, au mieux lors de sa revue à compter de 2013 ;
  • Que les plans d’urgence (Plan d’Opération Interne du site et le Plan Particulier d’Intervention) sont sujets aux mêmes carences ;
  • Que le prochain PPRT intègre dans ses hypothèses que le risque d’explosion de bac tient compte de la présence d’évents sur chacune des cuves, ce qui n’est pas réalisé à ce jour (cible 2010).

Donc, le CHSCT rappelle à la direction de Manpower France que les Pouvoirs Publics n’ayant pas encore légiféré sur ces risques, elle devra donc assumer l’entière responsabilité civile et pénale des conséquences d’un accident industriel sur ses salariés, si elle fait le choix de les y soumettre.

Par ailleurs, en cas d’incendie du site pétrolier, les fumées étant particulièrement toxiques et le système de ventilation du bâtiment n’étant pas asservi pour permettre un confinement, le CHSCT demanderait à la direction que le système de ventilation soit adapté pour tenir compte de la nécessité de pouvoir confiner les locaux.

Enfin, le CHSCT renvoie au comité d’établissement l’ensemble des résultats de l’enquête interne sur le projet de déménagement, afin qu’il puisse prendre en compte les conséquences de ce projet en matière de fonctionnement du Siège, en terme de risque de démissions. »

Un site pour le projet de déménagement qui n’aurait jamais dû être retenu, aux yeux même des critères socio-économiques de la direction

L’avis défavorable unanime rendu le 17/12/2008 par le Comité d’Établissement (CE) du Siège sur les aspects socio-économique du projet, reprend quant à lui plusieurs thématiques :

1°) Les risques économiques liés aux risques sur la productivité des salariés (difficultés de transport) ;

2°) Les risques économiques liés aux risques d’inaccessibilité du site (interruption du traffic RER A, bâtiment en zone inondable) ;

3°) Les risques économiques liés au risques de nouveaux départ de salariés, avec les conséquences connues en terme de perte de productivité et de désorganisation, telles celles que nous connaissons depuis le plan social 2005-2006 ;

4°) Au final, le non-respect par le projet des critères mêmes de la direction, notamment en matière de coûts indirects et de hausse du temps de transport moyen par salarié.


Voir aussi :