La CFTC-intérim Manpower vous partage l’avis (négatif au vote) rendu hier par le Comité Social et Économique Central (CSEC) Manpower sur la politique sociale Manpower 2020, que nous trouvons synthétique et qui expose les principales préoccupations sociales relevées par les élus.

Avis du Comité Social et Économique Central sur la politique sociale 2020

Nous tenons pour commencer à rendre hommage à tous les salariés de Manpower qui ont su faire preuve d’un engagement sans faille, d’un grand professionnalisme et d’une capacité d’adaptation exemplaire face à une situation inédite de crise sanitaire qui a nécessité une agilité de chacun pour s’adapter et tenir le cap. Nous sommes fiers du travail réalisé par les équipes de Manpower.
Une mention toute particulière pour les équipes informatiques qui ont fourni un énorme travail pour nous permettre de poursuivre notre activité à distance. Malgré la contrainte du télétravail généralisé, nous avons réussi à assurer la continuité de service.
Forts de cette expérience, nous ne comprenons pas la position de la direction qui dans le cadre de la négociation télétravail nous propose une « expérimentation » du télétravail dans le réseau, comme si l’année 2020 n’avait jamais existé !
Enfin, la manière dont l’activité partielle et les congés (CP/RTT) ont été gérés pour les salariés permanents comme pour les intérimaires et surtout les CDI-I n’a malheureusement pas toujours été équitable et a généré de nombreuses frustrations (erreurs de paie récurrentes, manque de transparence dans les arbitrages faits, tentative d’utiliser les CP comme variable d’ajustement).

Taux de renouvellement des salariés

La question du turnover est aujourd’hui un enjeu majeur de notre politique sociale. Le CSEC est très préoccupé des difficultés de Manpower à recruter et à conserver ses jeunes recrues : en 2020, 45% des départs de CDI ont moins de 3 ans d’ancienneté. Ne serait-il pas temps de redonner du sens au travail des salariés, notamment par :

  • une rétribution plus équitable des efforts de chacun : alors que l’inflation repart à la hausse de manière durable, nous demandons à Manpower d’en tenir compte lors de la prochaine NAO,
  • un pilotage de la formation intérimaire et du CDI-I comme leviers de performance des parcours intérimaires et non uniquement comme leviers de marge supplémentaire (leviers inscrits dans le plan valeur),
  • des reportings allégés et automatisés pour soulager les équipes et leur permettre de se consacrer à leur activité,
  • une meilleure anticipation du management pour cesser d’être toujours en réaction,
  • des embauches dans le réseau pour assurer l’accompagnement au plus près des intérimaires : n’y-a-t-il pas un paradoxe entre les ambitions affichées de développement des programmes Talent et My Path et les moyens humains alloués à notre réseau pour relever ce défi ?
    Cette dichotomie porte préjudice à tous les salariés de Manpower : les salariés permanents ressentent de la frustration et un goût d’inachevé car ils n’ont pas les moyens d’accomplir pleinement et sereinement leurs missions d’Agent des Talents et les salariés intérimaires et les CDI-I témoignent de légitimes attentes insatisfaites et de promesses non tenues.
    Pour le dire autrement, les équipes ressources en agence ont parfois l’impression amère de faire « n’importe quoi n’importe comment ».
    De même, comment réduire le taux de turnover des CDI-I ? S’ils sont encore nombreux à être embauchés par les entreprises utilisatrices, ce que nous saluons, ils sont également de plus en plus nombreux à abandonner ce statut pour redevenir intérimaires « classiques ». Il devient aujourd’hui urgent de réfléchir aux moyens de redorer le blason du CDI-I. Il ne suffit pas d’offrir à ces salariés un label marketing en les qualifiant de talents pour les garder et encourager les jeunes générations à nous rejoindre. Manpower donne plutôt l’impression de « faire le tri » entre ses CDI-I : ainsi, au troisième trimestre 2020, 210 CDI-I ont été licenciés pour faute grave, deux fois plus que les trimestres précédents.

Organisation de l’entreprise Manpower

Nous relevons, cette année encore, l’impérieuse nécessité d’avoir au niveau national une direction des ressources humaines intérimaires qui organise, pilote et gère pour apporter cohérence et lisibilité. Nous le demandons chaque année mais l’entreprise continue à faire la sourde oreille.
A titre d’exemple, le rattachement des responsables talents à la direction marketing envoie un signal très négatif aux salariés intérimaires : Manpower agit comme si les programmes élaborés pour eux relevaient d’une politique marketing et non d’une politique sociale. A ce titre, la création de nouveaux programmes de « fidélisation », talents, Mon Parcours (My Path), et maintenant talent +, nous inquiète car les salariés ont déjà du mal à assurer leurs missions avec les programmes existants.
L’entreprise met en place une grande direction commerciale, ce que nous accueillons avec satisfaction mais comment va-t-on faire pour servir les commandes alors qu’aujourd’hui les remontées sont unanimes pour évoquer les difficultés à trouver des candidats pour les postes à pourvoir ?

La formation des salariés

Comme nous l’avons dit plus haut, nous regrettons de constater chaque année que la formation intérimaire soit pilotée comme un levier d’optimisation de marge. Cet objectif est institutionnalisé puisque les services formation en région sont aujourd’hui primés sur leur capacité à optimiser la marge rapportée par les formations. Nous comprenons la volonté de l’entreprise de mesurer le retour sur investissement de ses efforts de formation mais l’approche qui consiste à mettre la formation intérimaire dans le plan valeur et non dans le plan talents est néfaste. La formation devrait être évaluée en priorité sur sa capacité à bâtir de réels parcours professionnels. Cette dimension est aujourd’hui une vraie urgence, notamment avec le développement des CDI-I. Nous manquons clairement d’ambition à ce sujet et continuons à avoir une vision trop « court-termiste » de réponse à la commande des clients quand elle arrive et non d’anticipation des besoins.
Nous saluons le travail accompli depuis plusieurs années par les équipes formation permanents pour bâtir une politique de formation au service des orientations stratégiques de l’entreprise et pour moderniser nos outils. Les formations Dojo Lean sont aujourd’hui plébiscitées par les salariés. Au siège, les efforts faits pour mieux informer les salariés des formations existantes permettent à chacun de se positionner sur ses possibilités d’évolution. Nous espérons que cet effort d’information sera également fait auprès du réseau à l’avenir. Nous relevons cependant 2 points de vigilance :

  • Le développement du distanciel qui semble prendre le pas sur le présentiel et réduit les effets de ces formations. Le distanciel ne doit pas devenir la norme et il est important de trouver un équilibre.
  • Les managers du réseau deviennent des formateurs, ce qui constitue un métier à part entière et qui les met parfois en difficulté ou limite la portée des formations. L’animation de ces formations augmentent encore la charge de travail des managers dont ce n’est pas le métier.

La politique handicap

La politique de promotion du handicap de l’entreprise manque encore d’ambition pour les intérimaires :

  • Concernant les salariés permanents, les efforts sont réels : notre taux d’emploi direct de travailleurs handicapés en 2020 est de 4,65%. Nous en profitons pour souhaiter la bienvenue aux 18 nouveaux salariés RQTH qui nous ont rejoints en 2020.
  • Concernant les salariés intérimaires RQTH les résultats sont malheureusement plus décevants : alors que l’accord triennal favorisant l’emploi de salariés intérimaires RQTH a été renouvelé pour la période 2019-2021 et signé à l’unanimité des six organisations syndicales, le ratio d’heures TH connaît une baisse inédite en 2020. Nous espérons que l’entreprise saura mettre des moyens pour rattraper le retard en 2021 et en 2022.
  • Concernant les salariés RQTH en CDI-I, nous sommes dans une sorte de « zone grise » et l’entreprise ne semble pas avoir pris la mesure de l’enjeu. Nous aurions souhaité que Manpower devance la loi et mette en place une politique spécifique pour favoriser l’emploi des salariés RQTH en CDI-I.

Le programme d’organisation des agences Expert et Cadre

En conclusion, le lancement d’Experts et Cadres en début d’année nous amène à dresser à ce jour un premier bilan mitigé.
Il y a clairement deux France aujourd’hui : l’Ile-de-France et le reste du pays. Si le lancement d’Experts et Cadres semble être un vrai succès en Ile-de-France pour l’activité recrutement, le bilan est beaucoup plus mitigé en province.
110 collaborateurs ont été recrutés à ce jour chez Experts et Cadres, ce que nous saluons, dont 42% issus de recrutements externes : nous sommes ravis de ce développement de l’emploi mais nous insistons sur l’enjeu d’intégration de ces équipes. Il ne s’agit pas uniquement de les former à nos métiers, mais de créer un collectif de travail à partir d’individus issus de différents horizons professionnels et qui sont aujourd’hui pour la plupart isolés sur le territoire national (hors Ile-de-France).
Le développement du TT cadres reste à ce jour un échec : les spécificités du travail temporaire ne s’apprennent pas en quelques jours de formation et les outils mis à dispositions du réseau Experts et Cadres sont encore inadaptés au travail temporaire. Bullhorn, par exemple, dont nous avons appris cette année qu’il ne gérait pas le TT.
Le CSEC constate et alerte la direction de la déstabilisation des salariés conseil recrutement, comme nous l’avions anticipé. Ils sont inquiets pour leur avenir car ils ne comprennent plus quelle est leur place dans la stratégie de l’entreprise. Ils vivent parfois avec difficulté le management par les agences d’intérim, qu’ils perçoivent de manière trop contraignante. Il nous semble important de prévoir une animation spécifique pour le réseau Conseil Recrutement aux côtés de Référence Intérim et d’Experts et Cadres.