Chômage et précarité, courts délais pour la négociation : le CDI pour les intérimaires est un sujet ambitieux, à forts enjeux et contraintes

L’accord national interprofessionnel portant sur la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels (ANI du 11/01/2013) fixe un cadre conventionnel aux négociateurs de la branche du travail temporaire, afin d’imaginer un dispositif améliorant les situations de précarité et les difficultés d’évolution professionnelle des salariés intérimaires [1].

Depuis plusieurs mois, le secteur de l’intérim et en premier lieu les salariés intérimaires font face à des difficultés majeures : accroissement du chômage, diminution de la durée des missions et des perspectives professionnelles.

L’ANI du 11/01/2013, signé par la CFTC [2], a donc prévu l’exemption de surcotisations dans l’intérim afin de prendre en compte le rôle économique de ce secteur, mais également l’existence d’un certain cadre social pour les salariés intérimaires. En contrepartie, il laisse aux partenaires sociaux de ce secteur quelques mois jusqu’à l’été, pour innover à travers un dispositif de sécurisation des salariés intérimaires, notamment par la mise en place d’un CDI pour les salariés intérimaires.

De premières bases dans les discussions du CDI pour les salariés intérimaires : maintien de l’égalité de traitement en matière de salaire, un contrat bipartite avec l’agence emploi, pas d’appel aux fonds UNEDIC pour la gestion des inter-missions

Aujourd’hui 01/03/2013, une première réunion de négociation se tenait au Ministère du Travail sur le sujet. Les premières demandes de la CFTC, en cohérence avec la démarche initiée par l’ANI, ont portés sur la nécessité d’aborder le sujet avec méthode :

  1. en clarifiant en premier lieu les principes structurants de ce sujet à haute implication juridique,
  2. pour ensuite pouvoir avancer positivement dans un équilibre final,
  3. et soumettre au législateur, le cas échéant, les évolutions légales qu’exigerait la mise en place de ce CDI pour les salariés intérimaires.

Cette demande vise à ne pas retomber dans les travers d’une laborieuse précédente négociation du même type, sur le portage salarial. Quelques points structurants mis en avant par la CFTC :

  • quelle redéfinition du nouveau champ complémentaire de subordination du salarié intérimaire en CDI, afin de pouvoir y inclure son évolution et sa sécurisation professionnelle en lien avec le caractère à durée indéterminée de la relation CDI, et non plus de la seule durée de chacune des missions ?
  • maintien du principe d’équivalence de salaire ?
  • articulation du champ du CDI pour les intérimaires avec les autres formes de CDI, qu’il s’agisse des salariés permanents des agences emploi ou des entreprises de service ?
  • etc.

Les différents chantiers à aborder lors de la discussion touchent :

  • aux conditions d’accès au CDI pour les salariés intérimaires ;
  • à la forme contractuelle ;
  • aux conditions de rémunération, à la gestion des périodes d’intermission et à son financement ;
  • à l’accès à la formation professionnelle et à son financement ;
  • aux conditions de rupture du CDI intérimaire.

Lors de la première réunion, la partie patronale Prisme s’est prononcée en faveur de plusieurs principes qui agréent à la CFTC, qui permettent d’avancer dans la discussion tout en repoussant certains points délicats dans les suites de la négociation :

  • maintien du principe d’égalité de traitement lors des missions en entreprise utilisatrice du salarié intérimaire en CDI : ce principe est important, car :
  • il définit juridiquement le montant du salaire au lieu de le placer dans le champ de la négociation commerciale, ce qui constituerait une incitation à définir le salarié intérimaire comme une sous-catégorie salariale, facteur de dumping social comme cela s’est vu dans d’autres pays européens qui n’appliquent pas ce principe ;
  • il lève toute ambiguïté possible sur une extension ou un mélange possible entre les formes contractuelles de recours à l’intérim, qui doivent rester liées à des circonstances exceptionnelles (remplacement, accroissement temporaire d’activité, etc), en référence à celles de travail stable (salariés permanents des entreprises utilisatrices), mais sans s’y substituer (salariés permanents).
  • forme bilatérale du contrat CDI pour les intérimaires, entre l’agence emploi et le salarié intérimaire, et non pas tripartite comme dans les formes usuelles de contrat de travail temporaire (CTT), où l’entreprise utilisatrice est également partie prenante : ce principe est important, car il permet de bien replacer la sécurisation du salarié intérimaire dans le contexte pertinent de l’agence emploi et du moyen et long terme, hors du champ conjoncturel du lien avec une(des) entreprise(s) utilisatrice(s), et du caractère ponctuel de la(les) mission(s) (hormis le principe d’égalité de traitement, cf. point ci-avant) ;
  • financement du CDI pour les intérimaires sans avoir recours aux financements publics des fonds chômage de l’UNEDIC pendant les temps d’inter-missions [3] : ce principe de responsabilité vise à ne pas faire porter par la collectivité l’aléa de mise en mission du salarié intérimaire en CDI.

Un autre principe a été posé par la partie patronale Prisme :

  • l’absence de critères d’automaticité d’entrée dans le CDI pour les salariés intérimaires, comme l’ancienneté : si en soit ce principe n’est pas un obstacle, il conviendra de l’équilibrer par exemple par des dispositions permettant de garantir une certaine forme de transparence sur l’expression par l’agence emploi de ses besoins en CDI intérimaires, et la mise en oeuvre de ses processus de recrutement.

L’essentiel des difficultés de la négociation sont à venir : rémunération et financement, engagements réciproques intérimaire/employeur du travail temporaire, modalités de rupture

Les quelques principes posés évoqués ci-avant, permettent de commencer à réfléchir sur les modalités de fonctionnement les plus délicats de ce que pourrait être le CDI pour les salariés intérimaires, si la négociation parvient à aboutir :

  • rémunération : quelles formes de financement ? de lissage ?
  • formation : quelles dispositions préférentielles, le cas échéant ? quel financement pour ce besoin supplémentaire ?
  • fonctionnement du contrat : quelles obligations réciproques en matière de propositions de missions, de disponibilité et d’acceptation ?
  • rupture : quelles causes, quels critères, quelle réciprocité ?

Nous vous tiendrons au courant de l’évolution de cette négociation...