Les diverses organisations syndicales ont largement communiqué sur le Crédit Impôt Compétitivité Emploi (CICE) chez Manpower, qui rappelons le s’est élevé à la somme de 82 millions d’euros pour 2013, et annoncé à 120 millions d’euros pour 2014 [1].

Si l’employeur n’a clairement pas tenu compte des salariés dans l’utilisation de cette somme, hormis une prime de 600 € par salarié permanent (soit environ 3 millions d’euros avec les charges patronales), il apparaissait important à la CFTC de replacer le débat au bon endroit, en vous donnant quelques explications.

Qu’est-ce que le CICE ?

Le CICE est un avantage fiscal qui concerne les entreprises employant des salariés, qui équivaut à une baisse de leurs charges sociales. Ainsi, le CICE calculé au titre des rémunérations 2013 peut être imputé sur l’impôt dû au titre de l’exercice 2013, à acquitter en 2014.
Son objet est de financer les efforts de l’entreprise en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique ou énergétique et de reconstitution des fonds de roulement.

L’entreprise doit retracer dans ses comptes annuels l’utilisation du crédit d’impôt, qui doit apparaître dans sa comptabilité sous le compte de charges de personnel. Elle doit également présenter au Comité Central d’Entreprise l’utilisation qui en est faite.

La trésorerie dégagée par le crédit d’impôt ne peut pas être utilisée pour financer une hausse de la part des bénéfices distribués, ni augmenter les rémunérations des dirigeants de l’entreprise.
La confiscation du CICE par un acheteur abusant de sa position de force constitue un détournement de l’effort financier consenti par le Gouvernement. Le code de commerce interdit les pratiques de captation abusive du CICE qui aboutiraient à un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en remettant notamment en cause le prix convenu contractuellement. En d’autres termes, il n’est pas autorisé de reverser tout ou partie du CICE à un client, y compris, en respectant le sens des lois, au travers de baisses de prix anticipant les effets du CICE.

Quelle utilisation du CICE chez Manpower ?

Premier point, aucune information n’a été donnée aux instances de représentants du personnel quant aux rémunérations des dirigeants.... qu’il ne faut bien sur pas limiter au seul salaire.
Sur le même principe, les remontées de capitaux à destination de la holding, dans un premier temps, puis aux actionnaires sont masquées par un artifice de manœuvres fiscales et de sociétés qui rend impossible tout traçage, hormis par un expert.

Quant aux reversements faits aux clients, ou aux diminutions de prix accordées à ces derniers sur la base du CICE, les divers échos que nous arrivons à entendre de la part des commerciaux nous laissent présager un usage répandu de ces pratiques pourtant interdites...
Le seul élément tangible en notre possession porte donc sur les déclarations de l’employeur faites lors du dernier Comité Central d’Entreprise du 30 avril 2014.

Une remarque s’impose immédiatement, l’employeur présente une affectation de dépenses au titre du CICE pour 36 % de cette somme. Où sont passés les 64 % non présentés ?

Venons maintenant aux utilisations présentées :

  • Au titre de l’emploi, très majoritairement des alternants et CDD, vous apprécierez comme nous la définition de l’emploi par l’employeur : 14% du montant du CICE. Ce pourcentage comprenant également la prime.
  • Au titre de la compétitivité, incluant le programme Envergure sous tous ces aspects (conseils, séminaires de présentation, mouvements agence...) : 3,5 %.
  • Au titre de l’innovation, si tant est que les projets informatiques présentés puissent entrer dans l’innovation, la majorité d’entre eux étant prévus de longue date ou liés à des investissements obligatoires, ces derniers avec un plan d’économies préalablement validé : 6%.
  • Au titre de la prospection de nouveaux marchés, sans qu’il soit fait détail des moyens utilisés : moins de 1%...
  • Les 12 % restants, sur les 36 % présentés, ne peuvent en toute objectivité concerner que des dépenses habituelles ou obligatoires, comme l’ont signalé vos représentants CFTC au CCE lors de la présentation.

Quand on considère que dans ces lignes d’utilisation du CICE on retrouve par exemple le coût restant à courir de baux d’agences fermées dans le cadre de la restructuration du réseau : quelle ironie que de considérer des coûts de réduction de l’outil productif de l’entreprise, comme de l’investissement !

La question reste donc pleine et entière sur l’affectation réelle ou la disparition, selon l’angle de vue, du CICE au sein de notre entreprise.

La responsabilité sociale des entreprises en question ?

En 2011, la Commission Européenne présentait le concept de Responsabilité Sociale des Entreprises comme « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société ».

Le CICE est donc un exemple clair des dérapages et détournements volontaires des entreprises de la manne publique à des fins purement capitalistiques. L’état demande à tout un chacun de faire des efforts, au travers d’augmentations d’impôts et de réductions des prestations ou services publics d’un coté. De l’autre, il prête l’oreille aux sirènes du MEDEF qui pleure le coût du travail en France et demande diverses aides pour maintenir l’emploi et les entreprises sur le territoire national.
Au final, ces aides, qui d’une manière ou d’une autre, sont compensées par notre impôt à tous, sont détournées pour alimenter l’actionnariat étranger.

Il faut préciser que l’exemple Manpower est représentatif des agissements de l’ensemble de la profession, en témoignent les tracts syndicaux des autres enseignes qui dénoncent également des dérives sur le CICE.


Voir aussi :