Une nouvelle fois en quelques semaines, la Cour de cassation condamne l’employeur Manpower (en dépit du soutien judiciaire que lui a apporté la CGT dans cette affaire), dans une procédure qui l’oppose à la CFTC et dans le cas présent également au CE siège.

En donnant droit à la CFTC et au CE siège Manpower sur ce dossier, la Cour de cassation rappelle l’indépendance des pouvoirs syndicaux et électifs

Dans son arrêt du 30/10/2013, la Cour de cassation statue que le CE a intérêt à agir concernant une contestation de la légalité des dispositions d’un protocole préélectoral de constitution du CCE.
S’agissant d’un sujet nouveau pour la Cour de cassation, celle-ci a publié sa décision au bulletin. La CFTC se réjouit d’ailleurs de cette nouvelle contribution bien involontaire de l’employeur Manpower à la démocratie sociale et élective dans l’entreprise.

Voir l’arrêt complet de la Cour de cassation :

Cour de cassation chambre sociale, pourvoi n°S13-12.234 du 30 octobre 2013, publié au bulletin

Une procédure emblématique de la contradiction entre la logique de représentation défendue par le syndicat CFTC, contre une logique d’instrumentalisation

Dans le cas présent, le CE siège soutenu par le syndicat CFTC, entend contester la légalité de dispositions du protocole préélectoral de constitution du CCE acceptées et/ou portées par l’employeur Manpower, les syndicats CGT, CGC, UNSA, FO et LADI (non représentatif).
Si le protocole contesté judiciairement par le CE siège et la CFTC répond aux conditions de double majorité puisque signé par l’employeur Manpower et une majorité de syndicat en nombre et en représentativité [1], il est selon le CE siège et la CFTC légalement contestable :

  • ce protocole prétend appliquer les principes d’un premier arbitrage administratif, mais en dévoyant en fait ses principes, fondés notamment sur des critères de proportionnalité démographique ;
  • il prétend appliquer des critères de représentation des cadres, mais tout en les refusant à l’établissement pourtant le plus directement concerné (constitué par plus de 70% de cadres).

Les conséquences de ces fondements arbitraires du protocole sont :

  • la mise en carence délibérée du CE siège dans sa représentation au CCE,
  • ainsi que des déséquilibres démographiques patents dans la représentation des autres établissements.

En droit, ce protocole rompt ainsi selon la CFTC plusieurs principes d’ordre public à travers notamment :

  • une violation du principe de sincérité du scrutin ;
  • une méconnaissance du principe général de représentativité, qui prévaut notamment lors de l’élaboration des règles de constitution d’un CCE.

Voir nos précédentes explications sur le caractère arbitraire de la constitution du CCE Manpower.

Le Tribunal d’Instance (TI) de Courbevoie statuera sur le recours en contestation du protocole préélectoral de constitution du CCE

La Cour de cassation cassant le jugement du TI de Puteaux et renvoyant l’affaire devant le TI de Courbevoie, c’est ce dernier qui sera amené à se prononcer sur le fond du litige les prochains mois.
Que la décision intervienne suffisamment tôt pour forcer un renouvellement anticipé du CCE, ou plus tard, la persévérance de la CFTC a surtout pour objet de permettre la poursuite de la rénovation de la représentation sociale dans l’entreprise Manpower : en libérant le CCE des jeux d’appareil qui prétendent l’instrumentaliser, la CFTC entend remettre la représentation collective des salariés dans sa juste fonction.


Ajout du 30/01/2015 :

Suite au second jugement du Tribunal de Puteaux, ce dernier a à nouveau été porté en cassation sur le fond des modalités d’application des règles relatives à la constitution du CCE. La Cour de cassation s’est donc à nouveau prononcée le 28/01/2015, en donnant partiellement raison au CE Siège au travers d’une nouvelle décision de cassation, cette fois-ci partielle et sans renvoi.

Parmi les points que celui-ci soulevait, ceux sur lesquels la Cour de cassation s’est prononcée explicitement ou en creux sont les suivants :

  • La signature d’un nouveau protocole balaie la décision administrative qui lui était antérieure, alors que l’employeur et certains syndicats soutenaient que la décision administrative était intangible en tant que telle. Mais la Cour de cassation en a conclu que le nouveau protocole, même élaboré sur une négociation partielle, ne remettait pas en cause la validité de sa portée globale. Il reste qu’à l’avenir, ni l’employeur ni aucun aucun partenaire social ne pourra plus désormais se réfugier derrière une décision administrative initiale, pour en modifier la portée à travers un nouveau protocole et ainsi justifier d’un déséquilibre final !
  • L’inscription de durées de mandats contraires aux dispositions légales ne remettent pas en cause la légalité du protocole, sachant qu’elles ne sauraient de toute façon se substituer à la Loi (il faut donc simplement les considérer comme non écrites).

Suite à cet arrêt, on peut également déplorer que reste la possibilité pour les partenaires sociaux, sous réserve de la double majorité, de définir un protocole qui inscrit des règles de principes électoraux, mais qui les bafoue ensuite s’agissant des modalités pratiques de répartition des collèges...

Voir l’arrêt complet de la Cour de cassation :

Cour de cassation chambre sociale, pourvoi n°H14-15.817 du 28 janvier 2015, publié au bulletin

Voir aussi :