Rendez-vous annuel, l’assemblée des actionnaires du groupe Manpower Inc. va bientôt se réunir le 27/04/2010 à Milwaukee, siège du groupe. L’objet de cette assemblée sera notamment d’examiner l’exercice 2009, qui vient d’être clôturé. Le groupe, coté en bourse aux États-Unis, a donc publié certains éléments de gestion légaux, conformément aux exigences de la bourse américaine. C’est à nouveau l’occasion de revisiter la manière dont le groupe a intéressé ses dirigeants dans la marche générale du groupe, et notamment le Président de Manpower France.

Objectifs 2009 du Président de Manpower France

Les objectifs sur 2009 du Président de Manpower France, Mme Françoise G., étaient de « réaliser certaines décisions visant à augmenter la performance du groupe en France, achever certains objectifs relatifs à la politique globale du groupe, augmenter les affaires avec nos clients stratégiques, et achever certains objectifs de réorganisation des services administratifs ».
Même allusifs, l’évocation d’objectifs dictés par le groupe laissent songeur sur le degré d’autonomie de Mme Françoise G. et de la Direction Générale de Manpower France, pour conduire et définir la politique de l’entreprise en lien avec les réalité de nos marchés et de nos clients.

Par comparaison, la rémunération pour 2009 du Président américain du groupe, M. Jeffrey JOERRES, chute de près de la moitié et redescend à près de 3,5 fois celle de la Présidente de Manpower France, au lieu de 7 fois en 2008.

Comparé à l’année dernière, l’augmentation de rémunération de la Présidente, même faible, est incohérente avec les chutes de rémunération des salariés [1]. Ceux-ci ont en effet eu droit à la perte de leur rémunération variable pour cause de crise et à l’intensification de la charge de travail de par la réduction des effectifs. Et comme l’année dernière, de manière encore plus choquante cette année, n’est toujours pas réglée la question de la légitimité sociale et économique de rémunérations personnelles à de tels niveaux, particulièrement en période de crise !

Deux réflexions relatives aux objectifs de la Présidence de l’entreprise donnés par le groupe :

Le mode de gouvernance du groupe provoque une iniquité intolérable des évolutions de rémunération entre les dirigeants et les salariés

La politique actuelle de réduction de 30% des effectifs permanents dans le réseau et de reconquête de nos parts de marchés sur les « hauts-potentiels » à tout prix a-t-elle été décidée en conscience par nos dirigeants ? Ou bien est-elle le résultat d’une volonté de nos dirigeants de toucher leurs bonus en 2009 en rapport avec des objectifs technocratiques imposés et assignés par l’actionnaire ?

Car enfin, comment justifier que Mme le Président ait vu sa rémunération globale 2009 progresser de 3,5%, et de 5,4% de la partie hors salaire, alors que dans le même temps le contexte de crise imposait une baisse de près de -35% de l’ensemble des rémunérations variables dans l’entreprise, et de plus de -41% dans les agences ?

Faut-il rappeler que la part variable des salaires a été dévoyée chez Manpower et qu’elle devrait être au moins en partie intégrée au salaire, en particulier dans le réseau ? Que l’entreprise embauche les assistantes minimum à bac+2, pour un salaire de base (13 mois tout de même) à près de 1400 € ?

Aux uns la difficulté de la crise et les discours sur l’éthique et l’efficacité du libéralisme de l’entreprise, et aux autres les rémunérations et les honneurs inassumés.

Le mode de gouvernance du groupe ne met-il pas en danger la capacité économique de l’entreprise en France ?

Les salariés du réseau constatent tous les jours qu’ils sont obligés de jouer les politiques officielles de la direction, mais sans les appliquer : soit qu’ils ne sont plus en mesure de le faire, soit parce qu’ils veulent maintenir a minima un résultat économique de l’agence que la direction exige d’eux par ailleurs. A tel point que les directeurs locaux, encore en prise à la réalité, pour certains les couvrent et leur demandent donc de dissimuler par exemple certaines visites clients ou de bidonner leur potentiel officiel, afin de ne pas porter préjudice aux indicateurs de reconquête des grands comptes !

Lorsqu’on en est là, la situation interne de l’entreprise devient clairement plus que préoccupante. Lorsque la réalité est niée ou devient tabou, les risques d’effondrement ne sont plus improbables.
Bref, on peut s’interroger sur la pertinence et l’efficacité des outils et des politiques définis par la direction. Et on ne peut être qu’effarés devant les mécanismes par lesquels le collectif de travail parvient tant bien que mal à assumer les aberrations du système :

  1. Pour permettre à nos dirigeants de se glorifier de l’atteinte des objectifs définis par Milwaukee de reconquête à tout prix des « clients stratégiques », et leur permettre ainsi de toucher de gras bonus malgré la crise ;
  2. De se démener par des astuces de bouts de ficelle, parfois dans le secret, pour tenir la boutique et produire du résultat dont ils ne récoltent que les baisses d’effectif et la chute drastique de leur rémunération variable.

Vive l’entreprise globalisée ! Mais combien de temps les salariés vont-ils continuer à faire semblant de supporter toutes ces hypocrisies de gouvernance imposées par le groupe, les atteintes fortes à leur pouvoir d’achat, à leurs conditions de travail et à l’efficacité économique de leur entreprise ?


Source : publications légales du groupe Manpower Inc., à destination des investisseurs et des autorités financières américaines (http://manpower.com/investors/secfiling.cfm?filingID=1193125-10-42944).

Voir aussi :