De très nombreux salariés contactent en ce moment quotidiennement leurs représentants du personnel, à propos des problèmes que leur posent les mobilités qui leur sont imposées par leur hiérarchie. C’est pourquoi, nous publions ce petit article pour vous expliquer que vous pouvez en refuser certaines, toutes ne pouvant pas vous être imposées même si une clause de mobilité est inscrite à votre contrat.

Pour un tour d’horizon complet sur la clause de mobilité, voir notre bulletin d’information n°34, téléchargeable au format Acrobat (pdf) dans notre article correspondant.

Sinon, un petit rappel : lorsqu’elle est contractuellement prévue, la mutation du salarié d’un lieu de travail à un autre constitue un simple changement de ses conditions de travail, qui relève du pouvoir de direction de l’employeur. Le salarié qui refuse la modification de son lieu de travail en application d’une clause de mobilité commet donc, en principe, un manquement à ses obligations contractuelles justifiant le prononcé d’une sanction disciplinaire - sans qu’il s’agisse nécessairement d’une faute grave [Cass.soc., 23 janv.2008, n° 07-40.522].
Toutefois, le refus d’une telle mutation ne constitue pas une faute si l’employeur ne respecte pas les conditions de validité et de mise en œuvre de la clause de mobilité qui ont été fixées par la jurisprudence.

Les arrêts du 14 octobre 2008 reviennent une nouvelle fois sur ces règles.

L’employeur ne peut pas étendre unilatéralement la portée de la clause.
La clause de mobilité géographique permet à l’employeur de modifier le lieu de travail du salarié sans l’accord de ce dernier. Le salariés qui accepte d’être soumis à une clause de mobilité doit donc être précisément informé de l’étendue de l’obligation qu’il contracte. C’est pourquoi la Cours de cassation exige que toute clause de mobilité définisse de façon précise sa zone géographique d’application [Cass. soc., 12 juil. 2006, n°04-45.396] et interdit toute stipulation qui accorderait à l’employeur le droit de modifier unilatéralement cette zone géographique [Cass. soc., 7 juin 2006, n°04-45.846].

L’un des arrêts du 14 octobre 2008 illustre cette règle.

=> Faits : une salariée avait été embauchée par un réseau, en qualité d’adjointe fédérale affectée à l’association de Bourges (Cher). Son contrat de travail comportait une clause de mobilité prévoyant qu’elle pourrait être affectée dans l’une des communautés de l’Union, en fonction des nécessités de cette dernière. Après avoir refusé d’être mutée à Tarare (Rhône), la salariée avait été licenciée.

=> Solution : la Cours de cassation a censuré cette décision, considérant que la clause litigieuse permettait à l’employeur d’étendre unilatéralement la zone de mobilité de la salariée. En effet, à chaque fois qu’une nouvelle communauté était implantée sur un territoire, la zone de mobilité de la salariée était étendue. Cette salariée ne pouvait donc connaître avec précision, au moment de son engagement, l’étendue de son obligation de mobilité, qui pouvait être élargie à tout moment par l’employeur [Cass. soc., 14 oct. 2008, n° 06-46.400].

La même solution pourrait à priori être appliquée aux clauses de mobilité qui prévoient que le salarié accepte par avance une mutation dans tout établissement existant ou futur de l’entreprise, sans préciser la zone géographique dans laquelle ces établissements sont ou pourront être implantés.


Ajout du 17/11/2008 :

La Cours de cassation a aussi déjà affirmé que la mise en œuvre d’une clause de mobilité ne peut être imposée au salarié lorsqu’elle entraîne une modification de sa rémunération contractuelle [Cass. soc. 15 déc. 2004, n° 02-44.714 ; Cass. soc. 3 mai 2006, n° 04-46.141]. Et ce, même si la clause de mobilité ou la convention collective prévoit que la mutation du salarié pourra emporter suppression d’un élément de rémunération.

Ainsi, à l’une des affaires ayant donné lieu aux arrêts du 14 octobre 2008, la convention collective applicable à la relation de travail prévoyait que la mutation d’un salarié « ne peut entraîner une réduction de la situation pécuniaire de l’intéressé, exception faite des primes liées à la situation particulière de l’établissement ». La Cours d’appel s’était fondée sur ces dispositions conventionnelles pour juger que le salarié, lié par une clause contractuelle de mobilité, ne pouvait refuser sa mutation dans un autre établissement en arguant de la modification de la rémunération variable.

La Cours de cassation a censuré ce raisonnement, en rappelant que « lorsqu’elle s’accompagne d’une modification de tout ou partie de la rémunération du salarié, la mise en œuvre de la clause de mobilité suppose, nonobstant toute clause contractuelle contraire, que le salarié l’accepte ». La Cours d’appel aurait donc dû rechercher si la proposition de mutation qui avait été faite au salarié n’avait pas pour effet d’entraîner une diminution de la partie variable de sa rémunération contractuelle [Cass. soc. 14 oct. 2008, n° 07-41.454].

Enfin comme tout droit, celui de l’employeur de muter le salarié en application d’une clause ne saurait être exercé de manière abusive. Si tel est le cas, le salarié est en droit de refuser de se soumettre à la mutation décidée par son employeur et son licenciement, fondé sur ce refus, est alors justifié.

La Cours de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que la preuve de l’abus incombe au salarié : la bonne foi contractuelle étant présumée, il appartient au salarié de prouver que la décision de son employeur de modifier son lieu de travail procède d’un abus, soit parce qu’elle a été prise pour des raisons étrangère à l’intérêt de l’entreprise, soit parce qu’elle a été mise en œuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle [Cass. soc. 23 févr. 2005, n° 03-42.018].

L’une des affaires ayant été récemment jugée par la Cours de cassation illustre dernière hypothèse.

Une salariée avait été engagée en qualité d’ingénieur commercial. La clause de mobilité annexée à son contrat de travail prévoyait qu’elle pourrait être affectée dans les principales villes de France où son employeur possède des établissements. Après avoir été absente pendant près de quatre ans en raison de congés de maternité et parentaux, elle avait demandé à retrouver son ancien poste. Plus de quatre mois après cette demande, son employeur l’avait informée qu’elle serait affectée dans une autre ville. La salariée avait refusé cette mutation et avait été licenciée pour faute. La Cour d’appel avait considéré que l’employeur s’était comporté de façon déloyale et avait décidé e le licenciement était, par conséquent, dénué de cause réelle et sérieuse.

La Cours de cassation a approuvé cette décision, après avoir relevé que l’employeur avait muté cette salariée, mère de quatre jeunes enfants, à l’issue de son congés parental, en lui proposant le poste litigieux trois semaines avant son retour dans l’entreprise (alors que ce poste était libre depuis longtemps et qu’elle avait informé son employeur de son retour plus de quatre mois à l’avance), ce qui l’avait mise dans l’impossibilité de tenir le délai fixé.

Dans cette affaire, les juges ont estimé que l’employeur avait méconnu son obligation d’exécuter le contrat de bonne foi, par son manque de diligence à proposer l’emploi disponible : l’employeur aurait dû proposer cet emploi bien plus tôt, ce qui aurait permis à la salariée de s’organiser pour rejoindre pour rejoindre son nouveau poste en temps voulu. En proposant cet emploi « à la dernière minute », alors qu’il connaissait la situation personnelle de la salariée, il la contraignait à refuser cette mutation. La situation familiale de la salariée (mère de quatre enfants) a ainsi été prise en compte, mais de manière incidente, pour caractériser la mauvaise foi de l’employeur [Cass. soc. 14 oct. 2008, n° 07-43.071]. Elle est mise en avant de façon beaucoup plus significative dans le cinquième arrêt rendu le 14 octobre dernier par la Cours de cassation.

Source : Liaisons Sociales


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