Copie du courrier adressé par la CFTC aux groupes parlementaires de l’Assemblée Nationale pour leur remettre le sujet, suite à la réponse du Ministre

Montgeron, le 14/04/2012

M. Étienne J., Délégué syndical central CFTC Manpower

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À :

MM. Jean-Marc A., Yves C., Christian J., Yvan L., Présidents de Groupes à l’Assemblée Nationale

M. Philippe L., Président confédéral CFTC

M. Patrick E., Président fédéral CSFV-CFTC et
M. Manuel L., Président syndicat SNTT-CFTC

Copie : M. Xavier B., Ministre du Travail

Publiée à l’intention des candidats à l’élection Présidentielle de la République Française de 2012

Objet : Appel aux Représentants de la Nation pour la mise en place d’outils juridiques protégeant l’équilibre et le partage des revenus des entreprises, et le contrôle des logiques de profit spéculatif (dumping fiscal et social) ; cas du non respect de la Loi relative à la prime sur dividende dans le groupe Manpower France Holding

Messieurs les Présidents de Groupes parlementaires à l’Assemblée Nationale,

En réponse au courrier du 01/11/2011 que la CFTC lui a adressé (cf. copie ci-jointe), le Ministre ainsi que plusieurs responsables de groupes parlementaires, ont eu l’obligeance de porter attention sur la problématique posée, de non respect de la Loi relative à la prime sur dividende dans le groupe Manpower France Holding.
Dans sa réponse, le Ministre indique que le groupe Manpower prétend bénéficier d’un régime d’exception que lui autoriserait son régime de Société par Action Simplifiée (SAS), et que la contestation de cette position ne relève pas de ses services. De fait, s’agissant d’une contestation juridique, ne reste donc à la CFTC que l’ordre judiciaire pour tenter d’obtenir gain de cause, ou une négociation pour traiter le sujet si celle-ci était possible.

Un cadre juridique et institutionnel qu’il appartient à la Représentation Nationale de rénover

C’est en toute humilité qu’il nous faut nous, représentants syndicaux, vous assurer de l’impuissance de notre fonction telle qu’assignée par les Lois de la République, à pouvoir traiter ce problème : tant la négociation que le recours judiciaire sont vains, car les employeurs n’ont aucune obligation à négocier, et nos tribunaux encombrés ne sont pas mieux pourvus pour résoudre ces situations. Parce que le problème posé par la gouvernance du groupe Manpower France Holding n’est que la manifestation particulière d’un problème beaucoup plus général, et que la CFTC Manpower ne peut se résoudre au renoncement, ce courrier est :

  • un appel à la Représentation Nationale pour un nécessaire sursaut institutionnel et juridique, contre un état de pouvoirs qui lamine l’économie française et européenne, sans qu’aucun signe de rémission ne soit décelable ;
  • une demande d’ouverture de travaux entre la Représentation Nationale et confédérations syndicales, au premier rang desquelles la confédération CFTC, qui dispose des interlocuteurs dont vous aurez besoin dans cette tâche, pour créer un réel outillage et les mécanismes juridiques et institutionnels nécessaires au partage et à la régulation des revenus en entreprise.

Par ailleurs, ne doutez pas que l’incommensurable problème budgétaire auquel les gouvernements du pays ne savent plus faire face depuis tant d’années, procède exactement des mêmes aliénations financières que celles dont ce courrier est l’objet.

Ce n’est qu’ensuite que la négociation en entreprise pourra s’exercer, pour la remise en place de mécanismes économiques équilibrés.

Sachez que la CFTC Manpower pratique malheureusement régulièrement la voie judiciaire, par nécessité quand bien même il ne s’agit pas de sa vocation première, mais également et de manière continue la recherche de la négociation, car la parole est sa vocation. Sur le sujet de l’épargne salariale, de l’intéressement et de la participation, les appels nombreux et réguliers de la CFTC Manpower sont depuis des années restées lettre morte, méprisés par un employeur habité par la certitude que tel est son devoir.

Exemplarité du groupe Manpower France, en terme d’impunité et d’inventivité dans la mise en place de mécanismes de profits irrationnels, envers et contre les règles économiques et juridiques

Pour vous permettre d’acquérir une idée de l’impact et de la manière dont un grand groupe tel que Manpower France dévoie les principes économiques et les Lois sur la participation aux bénéfices, sachez que :

Sous la Présidence précédente du groupe Manpower France :

  • Sur injonction de l’actionnaire, l’entreprise Manpower France a vendu à la maison mère aux États-Unis fin 2003 une série de marques qu’elle possédait pour un montant de 1.000 € ; le rendement de ce prix de transfert est particulièrement attrayant et efficace, puisque l’actionnaire américain prélève désormais sur l’entreprise entre 20 à 40.000.000 € de charges annuelles de redevances, donc défiscalisées et non soumises à participation des salariés aux bénéfices, assises sur la propriété de ces mêmes marques.
  • Dans la même période, des obligations convertibles en action ont dissimulé plusieurs centaines de millions d’euros de versements de dividendes par des faux prêts à la maison mère (prêts en réalité non remboursables, puisque celle-ci versait elle-même ces fonds en dividendes), privant la Nation de millions d’euros de rentrées fiscales.
  • Parallèlement enfin, le groupe à également mis à profit le dumping fiscal des règles de l’Union Européenne, en utilisant une filiale intermédiaire au Danemark entre l’entité France et les États-Unis.

À l’époque, constatant les ravages économiques de ce type de gestion sur l’emploi dans l’entreprise et sur les bénéfices et la participation des salariés, la CFTC avait pris ses responsabilités en dialoguant en vain, puis en transférant le débat à l’ordre judiciaire en informant le Procureur de la République. Mais ce fut également en vain, puisque celui-ci ayant constaté que l’opération était au profit de l’actionnaire, ne l’a pas poursuivie, se contentant néanmoins d’informer les services fiscaux. À notre connaissance, ce contentieux fiscal n’a à ce jour pas encore été résolu.

La Présidence actuelle du groupe Manpower France entretient et développe cette gestion financiarisée, sans considération pour l’importante toxicité économique qu’elle représente :

  • Par le mécanisme de redevance basé sur le chiffre d’affaire évoqué ci-avant, l’actionnaire américain parvient à inverser totalement les règles de l’incertitude économique : le système de redevance assure un profit minimal défiscalisé de 20.000.000 €, même en l’absence de tout bénéfice. Conséquence de ce mécanisme spéculatif, le seul ajustement possible s’exerce alors contre l’entreprise Manpower France et l’emploi, c’est-à-dire contre l’économie réelle. Les chiffres économiques récents de Manpower France (principale filiale de Manpower France Holding) pendant la crise de ces dernières années illustre le propos :

 ! En 2010, en plus des redevances, +477 000 000 € de profits de dividendes ont été remontés vers Manpower France Holding, puis l’essentiel a été sorti vers les États-Unis via le Danemark.

  • L’étude produite par la CFTC Manpower en 2010
    (http://www.cftc-manpower.fr/actuali...) sur le coût du profit (redevances + dividendes) pour l’entreprise, permet de lui donner un ordre de grandeur moyen sur 5 ans : ce profit financier est équivalent au coût moyen de près de 3 salariés par agence, pour 5 salariés permanents réels dans les agences.
    Vous aurez noté que l’étude inclue la période de grave crise économique que nous traversons : alors même que les mécanismes de profit décrits sont totalement découplés de la conjecture, leur caractère financièrement gagnant rend évidemment totalement illusoire que les acteurs bénéficiaires puissent y renoncer d’eux-mêmes.

Je vous prie d’agréer, Messieurs les Représentants de la Nation, l’expression de ma considération distinguée.

M. Étienne J., Délégué syndical central CFTC Manpower

PJ : courrier de la CFTC au Ministre du Travail du 01/11/2011


Voir aussi :